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Somnolence chez les adolescents

L'adolescent méconnaît son sommeil, et souvent le néglige. Dormir n'est pas une priorité pour lui, il a tendance à faire ce qui lui plaît plutôt qu'écouter les besoins que lui dicte son organisme, et il est donc souvent en privation de sommeil. Il a en effet des horaires irréguliers, soumis aux aléas d'un emploi du temps chargé par une scolarité envahissante, un désir de sortir avec ses amis, et des passions diverses, ordinateur, lecture... De nombreuses interactions liées à une mauvaise hygiène de sommeil compliquent encore le tableau, abus de sport et parfois d'alcool, de cigarettes, voire de drogues.

Les troubles du sommeil chez l'adolescent sont toujours à considérer avec attention, qu'ils soient le signal d'un dysfonctionnement psychologique transitoire compréhensible dans cette période de mutation, ou le début d'une pathologie durable. Une pathologie psychiatrique qui s'installe est à redouter, en particulier la dépression qui est la plus fréquente. Un trouble du sommeil spécifique doit être évoqué en raison de ses aspects très particuliers à cette période. Le retard diagnostique peut être à l'origine de difficultés scolaires et sociales d'un adolescent considéré comme paresseux et non motivé parce qu'il est somnolent. La non-reconnaissance du diagnostic expose le jeune à la pérennisation d'un trouble qui aurait pu être transitoire.

Les pathologies du sommeil de l'adolescent sont principalement l'insomnie, le syndrome de retard de phase, les hypersomnies, et une pathologie plus rare, le syndrome de Klein Levin.

L'insomnie

13% des garçons et 17% des filles se plaignent de mal dormir. Nous avons vu le rôle de la mauvaise hygiène de sommeil et des abus, mais dans cette période tourmentée, l'anxiété et la dépression sont souvent sous-jacentes. Il peut y avoir de véritables phobies du coucher. Déjà, à cet âge précoce de la vie, la consommation des somnifères est élevée, identique à celle des adultes. L'insomnie qui apparaît à l'adolescence est la plupart du temps le signe d'un dysfonctionnement psychologique. Si l'insomnie qui précède systématiquement les examens est fréquente et en général peu problématique, par contre l'insomnie chronique est le plus souvent liée à une anxiété pathologique qui s'exacerbe avec le temps qui passe. Si une prise en charge comportementale peut aider, une psychothérapie associée est souhaitable car on peut s'inquiéter de la structure sous-jacente et des risques de décompensation sur un mode névrotique ou psychotique. L'insomnie qui réveille systématiquement le jeune en seconde partie de la nuit, est, comme chez l'adulte, très évocatrice d'une dépression. Celle-ci est encore trop souvent diagnostiquée tardivement, alors que la désorganisation du sommeil est un excellent signal d'alerte.

La dépression touche 8% des adolescents et peut conduire au suicide, deuxième cause de mortalité chez les 15-25 ans. De surcroît, les études montrent un taux de rechute important de 70 à 75% à 5 ans.

Selon des études, dans la classification des insomnies, 50 à 80% des insomnies ont une origine psychologique ou psychiatrique; chez les adolescents, ces chiffres sont probablement à majorer, car les pathologies organiques telles que les apnées du sommeil ou le syndrome des mouvements périodiques sont moins fréquentes.

Le syndrome de retard de phase

En fait, une des grandes difficultés de l'adolescent est le réveil. Dans les cas extrêmes, il existe un syndrome de retard de phase : c'est à dire que le sommeil est décalé, avec un endormissement toujours au-delà de 2 heures du matin, parfois beaucoup plus tard, 5h30 ou 6h du matin. Le réveil spontané survient à 11 heures du matin ou beaucoup plus tard. En vacances, bien que le sommeil soit plus franchement décalé, le "trouble" est plutôt bien supporté, et le sommeil est normal.

Ce trouble est le plus fréquent chez l'adolescent. La raison n'en est pas spécifiquement biologique mais plutôt comportementale. L'adolescent a tendance à se décaler, car il a envie de vivre le soir. Même seul dans sa chambre, il n'a pas envie de se coucher car il apprécie cet horaire tardif où tout le monde dort. Il se sent libre et tranquille, un peu "hors du temps". Mais parfois ce n'est pas si simple. Le fait de ne pas aller se coucher s'inscrit dans une véritable conduite d'opposition aux parents. Crise d'adolescence exacerbée, conflits familiaux, rupture scolaire, le risque de dérapage est grand. D'autant que dans ce contexte, l'anxiété pathologique et la dépression ne sont pas loin : elles se surajoutent dans 2/3 des cas. Habituellement, ces adolescents supportent mal les hypnotiques. Cependant, chez certains, le tableau clinique est compliqué par une véritable toxicomanie aux hypnotiques.

Le traitement le plus souvent proposé est la chronothérapie. Elles consistent en un décalage progressif des horaires de sommeil de plus en plus tard, faisant vivre la personne sur une période artificielle de 27 heures. Au bout de 6 à 7 jours, les horaires de sommeil sont recalés entre 23 heures et 7 heures. La phase suivante du traitement impose une consolidation de ces horaires dans un respect très rigoureux pendant 6 semaines. Cette thérapie nécessite une motivation certaine.

D'autres traitements ont été proposés, comme une avancée très progressive du coucher de 10 minutes tous les 3 jours, ou de l'utilisation d'une lumière forte vers 7 ou 8 heures du matin. Dans tous les cas, il faut insister sur la nécessité de l'adhésion du patient et de sa famille au traitement.

Les hypersomnies

Les hypersomnies sont encore trop méconnues et négligées par les médecins. En fait, chez l'adolescent, outre l'insuffisance de sommeil liée à une mauvaise hygiène de vie, qui est très fréquente mais facilement repérable, narcolepsie et à une moindre fréquence l'hypersomnie idiopathique, sont à évoquer.

La narcolepsie débute à l'adolescence, parfois dans l'enfance. Elle atteint aussi bien la fille que le garçon. Sa prévalence est égale à celle de la Sclérose en plaques, soit 0.05%. Le retard diagnostic est fréquent. Il faut environ 10 ans d'errements entre spécialistes, pédiatres, endocrinologues, psychiatres, neurologues pour que le diagnostic soit posé. Elle se traduit par des accès de sommeil incoercibles dans la journée, une cataplexie (perte de tonus d'un bras, des jambes ou du cou au cours d'une émotion ou du rire), des hallucinations incoercibles, des comportements automatiques sans souvenir, des paralysies angoissantes du réveil. Les siestes sont très récupératrices et la plupart des patients ont une caractéristique génétique particulière.

Selon les études on voit que les attaques de sommeil et la cataplexie sont les symptômes les plus fréquents. Le vécu des narcoleptiques, associé aux hallucinations hypnagogiques (impression d'une présence étrangère, impression d'animaux dans la chambre, perceptions cutanées très bizarres : peau qui se craquelle, ou se cartonne), eet aux comportements automatiques que le patient ne peut expliquer, est à l'origine des erreurs de diagnostic. Ces expériences particulières, ressenties inavouables, peuvent aussi modifier les réactions du patient avec des interprétations paralogiques, voire paranormales. Des réactions paranoïaques ont également été décrites chez des patients qui se croyaient attaqués par des inconnus. L'importance d'une pathologie psychiatrique a d'ailleurs été soulignée par différents auteurs. La dépression associée est assez importante puisqu'elle touche 36% des patients.
De faux diagnostics existent dans l'étude de Douglas, où 7,2% des schizophrènes somnolents qui sont en fait des narcoleptiques se sont améliorés sous amphétamines.

L'hypersomnie idiopathique est une autre cause d'hypersomnie qui est proche de la narcolepsie, mais qui se caractérise par l'absence de cataplexie et la notion fréquente de pathologie familiale.

Autre cause possible, celle d'hypersomnie psychiatrique. Nous avons souligné l'importance de la dépression. Elle est souvent d'un traitement difficile.

Le syndrome de Kleine Levin

Cette pathologie rare touche pratiquement exclusivement le garçon. Ce sont des accès de sommeil, ou plutôt de torpeur, au cours desquels le jeune reste allongé, somnolent, pendant quelques heures à quelques jours, et qui se répètent plusieurs fois par an. Il est associé à des troubles du comportement alimentaire et comportemental (agressivité) parfois sévères. Il n'y a pas d'examen permettant de porter un diagnostic objectif, ce qui est toujours difficile pour le jeune et sa famille. Ce syndrome évolue habituellement vers la guérison à la fin de l'adolescence. Les intrications avec la dépression sont toujours discutées. Ses mécanismes sont inconnus.

 

Brochure

Pour en savoir plus:
- la brochure "Les troubles du sommeil de l'adolescent"