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Roulés dans la farine

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⚪️ CONNAISSEZ-VOUS la « fari­nose » ? D’après l’Institut natio­nal de recherche et de sécu­rité pour la préven­tion des acci­dents du travail (lien:rtwl), c’est pour­tant la première cause d’asthme profes­sion­nel en France. Cette mala­die respi­ra­toire touche­rait plus de 30% des boulan­gers et serait en augmen­ta­tion. C’est notam­ment ce qui ressort de la plus grande étude menée sur le sujet, dans 2 923 four­nils suédois.

Comme son nom l’in­dique, on attrape une fari­nose à force de respi­rer de la farine, mais aussi toutes les cochon­ne­ries qu’elle contient. Pour gagner du temps et augmen­ter le rende­ment, nos arti­sans boulan­gers utilisent ce qu’ils appellent des « amélio­rants », natu­rels ou de synthèse. Dans la caté­go­rie enzymes ajou­tées, on trouve ainsi les alpha amylases, qui, pêle mêle, permettent une fermen­ta­tion plus rapide, améliorent la « rési­lience » de la mie comprendre sa souplesse ou encore les protéases, d’usage plus récent. Ces dernières permettent de conge­ler la pâte aussi­tôt après l’avoir travaillée sans avoir besoin de la lais­ser repo­ser, mais aussi de lutter contre la « rétrac­tion du volume » engen­drée par les opéra­tions de congélation-décongélation.

Des ingré­dients magiques pour la « fabri­ca­tion diffé­rée », cette tech­nique très en vogue chez nos 30 000 boulan­gers pâtis­siers, qui consiste, pour travailler plus vite et vendre en continu, à fabri­quer pains, gâteaux ou vien­noi­se­ries à partir de pâtons indus­triels précuits surge­lés. Rappelons que rien n’oblige nos boulan­gers à concoc­ter eux mêmes leurs vien­noi­se­ries. Beaucoup commandent sur cata­logue tarte­lettes ou crois­sants surge­lés, qu’ils n’ont plus qu’à enfour­ner. Sur le papier, le boulan­ger doit juste signa­ler son appé­tence de surgelé par un logo en forme d’igloo collé sur sa vitrine.

En plus de ces prépa­ra­tions enzy­ma­tiques, la farine est égale­ment agré­men­tée d’ad­di­tifs parfois aller­gènes. Parmi les 14 dûment auto­ri­sés, citons en vrac l’acide scor­bique, qui augmente l’élas­ti­cité de la pâte, la « machi­na­bi­lité » des pâtons, les mono­stéa­rates de glycé­rol, qui renforcent la capa­cité de la pâte à suppor­ter un excès de fermen­ta­tion et dimi­nuent le cloquage de la croûte de pain, et, pour la bonne bouche, la léci­thine de soja, qui, tout à la fois, améliore l’ex­ten­si­bi­lité des pâtons, augmente l’onc­tuo­sité de la mie et réduit l’oxy­da­tion de la pâte.

Moralité : à vouloir faire du blé à tout prix, on risque de se mettre dans le pétrin… ⚪️

Lu dans Le Canard Enchaîné, CONFLIT DE CANARD, 13/1/2016, p. 5

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Article créé le 17/01/2016 - modifié le 7/02/2020 à 14h18

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