La farine de blé contient naturellement du gluten.

La farine de blé contient naturellement du gluten.

Getty Images/iStockphoto

Ami ou ennemi? Le gluten est un ensemble de protéines végétales issu du grain. En latin, "gluten" signifie colle, gomme, glu. Une étymologie qui nous renseigne sur son rôle: c'est en effet le gluten des farines qui permet aux pâtes de lever car il "enferme" les bulles d'air dégagées par la levure. Doit-on le fuir ou l'ignorer? Les régimes sans gluten sont-ils juste une mode? Peut-on y être intolérant sans être atteint de la maladie coeliaque? L'Express Styles fait le point.

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Dans quels aliments trouve-t-on le gluten?

Le gluten est très présent dans nos assiettes. D'abord dans certaines céréales, comme le blé, et donc -farine oblige- dans le pain, les pâtes, les biscuits. On en trouve aussi dans l'orge -oui, la bière contient du gluten-, le seigle ou encore l'épeautre. Quand on se penche sur les étiquettes, on observe que le gluten, parfait pour le liant ou l'élasticité, se cache aussi dans les additifs de nombreux produits industriels, charcuteries, plats préparés ou encore sauces.

Qu'est-ce que l'intolérance au gluten?

La maladie coeliaque ou "intolérance au gluten", est une maladie auto-immune qui détruit progressivement la paroi de l'intestin grêle, entraînant une mauvaise absorption des nutriments et, dès lors, fatigue, douleurs abdominales intenses, troubles digestifs, amaigrissement et carences.

La maladie coeliaque est-elle fréquente?

Selon l'Afdiag (Association française des intolérants au gluten), 1% de la population est concernée en Europe. En France, seulement 10 à 20% des cas seraient diagnostiqués tant les symptômes sont divers, plus ou moins forts ou visibles. Le diagnostic consiste en une prise de sang, puis, si elle est positive, une gastroscopie.

Cette maladie peut-elle être soignée?

La seule manière de "désactiver" la maladie est de supprimer complètement le gluten de l'alimentation. Si l'intolérance n'est pas détectée, manger du gluten peut alors être dangereux. Christophe Cellier, gastro-entérologue à l'hôpital européen Georges Pompidou, souligne que les risques sont alors "la déminéralisation des os (car le corps absorbe mal le calcium), le développement d'autres maladies auto-immunes (concernant la tyroïde, le foie) ou, dans des cas plus rares, des cancers intestinaux".

Peut-on être "sensible" au gluten sans être coeliaque?

De plus en plus de personnes déclarent se sentir mieux sans gluten, notamment en termes de digestion, même si elles ne sont pas diagnostiquées coeliaques. On parle d'une "sensiblité non coeliaque au gluten". Toutefois, le terme divise car les recherches n'ont pour l'instant pas apporté de preuves suffisantes. Une hypersensiblité peut se manifester, sans que les résultats d'analyse sanguine révèlent quoi que ce soit d'anormal. "On ne sait pas encore quels sont les mécanismes en jeu", admet Christophe Cellier, gastro-entérologue.

Quand on a ces symptômes -fatigue, douleurs, troubles digestifs-, est-on forcément coeliaque ou hypersensible au gluten?

Les symptômes pourraient se confondre avec ceux d'autres maladies, comme le syndrome du colon irritable.

La piste psychosomatique peut aussi être envisagée. "Lorsque l'on croit à quelque chose, cela peut parfois avoir un effet. Ici, un effet nocebo: on donne à un aliment un effet négatif qu'il n'a pas", souligne Marie-Christine Morin, diététicienne cadre de santé à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille, membre de l'AFDN (Association française des diététiciens nutritionnistes) et du comité médical de l'Afdiag.

Peut-on se lancer dans un régime sans gluten sans avis médical?

Dans tous les cas, il est déconseillé de commencer à bannir le gluten sans passer par la case médecin. "Le risque est de passer à côté du diagnostic de la maladie coeliaque, plus difficile à réaliser une fois que le régime a commencé. Il vaut donc mieux voir un gastro-entérologue avant", met en garde Marie-Christine Morin. D'ailleurs, la surveillance médicale ne sera pas du tout la même en cas de diagnostic positif.

Le régime sans gluten est-il plus "sain"?

Pour une minorité de spécialistes, comme le cardiologue américain William Davis, le gluten est perçu comme un poison pour tous. Mais pour Christophe Cellier, cette tendance à la phobie du gluten est "une sorte de dérive à partir de tests fumeux. Il n'y a pas d'argument scientifique". Pour l'AFDN, très opposée aux régimes d'exclusion, "il n'y a aucun intérêt à mettre en place ces régimes sans pathologie avérée". A noter: beaucoup de produits sans gluten industriels sont bourrés d'additifs, qui peuvent tout aussi bien causer des problèmes de santé.

Le gluten est-il alors un bouc émissaire?

Christian Rémésy en appelle au bon sens: "On veut trouver un coupable. Mais en biologie, un phénomène est toujours multifactoriel. Une molécule ne peut pas expliquer tous les maux!" Pour lui, "il y a dans cette phobie du gluten une part de rumeur et d'effet de mode". Au lieu d'accuser le gluten, "il faut reprendre le problème de façon globale, consommer des produits naturels ou transformés intelligemment".

Par ailleurs, une étude australienne suggère que les fauteurs de troubles seraient plutôt les sucres, mal absorbés par l'organisme, appelés FODMAPs (Fermentable Oligo-, Di-, Mono-saccharides And Polyols), présents dans beaucoup d'aliments contenant aussi du gluten.

Quels conseils peut-on appliquer au quotidien?

Consommer moins de produits transformés et plus de matières brutes, se tourner vers des farines autres que blanches et du pain tranquillement levé au levain est une bonne idée.

Doit-on éviter le pain et les pâtes?

Attention à ne pas mettre tous les glutens dans le même sac: les pâtes, grâce à leur séjour dans l'eau, sont plus faciles à digérer. Pour ce qui est du pain, les méthodes de préparation jouent un rôle. Ainsi, le gluten se dégrade peu dans les pâtes à pain préparées avec de la levure chimique, comme la baguette industrielle. Préférez donc plutôt la pâte à pain au levain (levure naturelle), qui casse les molécules de gluten et devient, dès lors, plus digeste.

Les produits industriels peuvent-ils avoir un impact sur la santé?

D'une manière générale, les intestins sont fragilisés par "l'évolution de l'offre alimentaire, trop purifiée, raffinée, grasse et pauvre en fibres", explique Christian Rémésy*, nutritionniste et ancien directeur de recherche à l'Inra (Institut national de la recherche agronomique).

L'évolution de l'agriculture a-t-elle modifié le blé et, donc, le gluten?

Le chercheur américain Donald D. Kasarda, affirme dans une étude publiée dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry, qu'il n'y a pas de lien entre les évolutions du blé et l'augmentation de la teneur en gluten et des pathologies liées. Mais pour Christian Rémésy, les principaux acteurs ne se sont jamais préoccupés de la "digestibilité" des farines et des pains. Ce qui pourrait être lié à cette mystérieuse hypersensibilité. Le nutritionniste met en évidence le remplacement des variétés anciennes de blé par des variétés modernes, avec un gluten plus performant, résistant... et moins facile à digérer.





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