Hominidae

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Les Hominidae, ou Hominidés, sont une famille de primates simiiformes rassemblant les genres actuels Pongo (orang-outan), Gorilla (gorille), Pan (chimpanzé) et Homo[1],[2],[3]. S'y trouvent également un certain nombre de genres fossiles apparentés, ancêtres ou plus souvent collatéraux des ancêtres des quatre genres actuels.

Cette famille admet pour groupe frère les Hylobatidés, d'autres singes sans queue, couramment appelés gibbons, comprenant quatre genres et une vingtaine d'espèces. Ensemble, tous ces primates forment la super-famille des hominoïdes, également appelés grands singes.

Selon la Liste rouge mondiale des espèces menacées de l'UICN, sept espèces d'hominidés sur huit sont menacées d'extinction[4].

Historique[modifier | modifier le code]

Le mot « hominidé » est plutôt issu de la paléoanthropologie, où l'on tente de déterminer l'origine et l'histoire évolutive de la lignée humaine : on y recherche, à partir de l'étude des fossiles, les ancêtres et les espèces cousines disparues d'Homo sapiens.

L'expression « grands singes » vient plutôt de la primatologie et de l'éthologie, qui étudient le comportement des animaux dans la nature. C'était, au départ, un concept créé pour distinguer, au sein du groupe des singes, les espèces paraissant plus proches de l'Homme. Il s'agissait, à l'origine, de ne considérer que les orang-outans, les gorilles, les chimpanzés, ainsi que leurs ancêtres.

Plus tard, on a admis le caractère paraphylétique de cette définition, c'est-à-dire l'anomalie représentée par l'absence de l'Homme, avec la révision de la classification phylogénétique des Hominoidea. Par ailleurs, la découverte des fossiles d'Orrorin tugenensis, de Toumaï et d'Ardi, de plus en plus proches chronologiquement du dernier ancêtre commun du Chimpanzé et de l'Homme, ont amené les paléoanthropologues à s'intéresser aux espèces actuelles de grands singes.

L'expression « grands singes » est donc utilisée actuellement pour dénommer l'ensemble des singes sans queue qui constituent la super-famille des Hominoidea, comme équivalent de l'anglais « ape », qui s'oppose dans cette langue à « monkey », qui ne désigne que les singes à queue.

Évolution de la classification[modifier | modifier le code]

Dans les classifications anciennes[5], se basant sur les ressemblances morphologiques entre les espèces, la famille des Hominidae ne comprenait que le genre Homo, les plus grands singes étant regroupés dans la famille des Pongidae, ce qui correspondrait aujourd'hui à un grade évolutif et non à un clade (un groupe exhaustif partageant un dernier ancêtre commun).

Les recherches ont conduit à corriger cette classification[6],[7] : tous les plus grands singes (dont les humains) ont été regroupés dans la famille des Hominidae, qui admet pour groupe frère les Hylobatidae ou gibbons, et qui devient ainsi monophylétique. De plus, les grands singes africains, gorille et chimpanzé, sont plus étroitement apparentés à l'Homme qu'à l'Orang-outan et forment donc la sous-famille des Homininae. Enfin, le Chimpanzé apparait comme le groupe frère de l'Homme, tous deux à égale distance du Gorille.

Parmi de nombreuses classifications proposées, montrant quelques différences quant au choix des appellations des différents niveaux hiérarchiques, s'est imposée la classification de Jeheskel Shoshani (en)[1]. Cette classification, dans laquelle l'Homme n'est plus isolé dans une famille propre, met de longues années à s'imposer dans la communauté scientifique, ainsi que dans les programmes d'enseignement et dans les ouvrages et revues de vulgarisation.

Classification phylogénétique moderne[modifier | modifier le code]

Place au sein des singes[modifier | modifier le code]

Phylogénie des familles de singes, d'après Perelman et al. (2011)[8] et Springer et al. (2012)[9] :

 Simiiformes 
 Catarrhini 
 Cercopithecoidea 

 Cercopithecidae (Babouin, Macaque, Colobe…)


 Hominoidea 

 Hylobatidae (Gibbon)



 Hominidae (Orang-outan, Gorille, Chimpanzé et Homme)




 Platyrrhini 

 Cebidae (Sapajou, Singes-écureuil, Ouistiti, Tamarin…)




 Pitheciidae (Saki, Ouakari, Titi…)



 Atelidae (Atèle, Singe-hurleur…)





Phylogénie interne[modifier | modifier le code]

Phylogénie des genres actuels d'hominidés, d'après Shoshani et al. (1996)[10] et Springer et al. (2012)[11] :

Hominidae 
 Ponginae 

 Pongo (Orang-outan)


 Homininae 
 Gorillini 

 Gorilla (Gorille)


 Hominini 
 Panina 

 Pan (Chimpanzé)


 Hominina 

 Homo (Homme)






Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Anatomie[modifier | modifier le code]

Squelettes d'humain et de gorille

La masse des adultes est généralement comprise entre 50 et 250 kg. La taille est grande, ce qui permet de se déplacer sur de plus grandes distances, notamment au sol, et d'être dissuasif envers les prédateurs. La musculature est robuste avec des membres supérieurs puissants, ce dernier point trouvant son origine évolutive dans le déplacement par brachiation et la suspension arboricole. Toutefois, le gorille et l'Homme n'utilisent plus ce mode de déplacement.

La grande taille rend le mode de locomotion sur les branches moins stable. Les grands singes hominoïdes adoptent une nouvelle posture qui mobilise la verticalité, passant d'une locomotion quadrupède dite pronograde à une locomotion verticale dite orthograde (en)[12]. Cela se traduit par une marche bipède chez les espèces du genre Homo. Mais, à l'exception des espèces du genre Homo, les grands singes africains pratiquent davantage la quadrupédie, dite « marche sur les phalanges » (ou locomotion sur les articulations). Contrairement aux plantigrades qui appliquent la paume au sol, cette quadrupédie originale applique le côté externe des mains sur le sol (au niveau des phalanges). Ce ne serait pas un caractère ancestral, mais un caractère dérivé, apparu par convergence évolutive chez le Gorille et le Chimpanzé.

La face des hominidés est prognathe et le cerveau particulièrement développé, comparé aux autres singes.

Régime alimentaire[modifier | modifier le code]

Le régime alimentaire des hominidés varie d'une espèce à l'autre.

Les chimpanzés consomment des fruits, des graines herbacées et quelques produits d'origine animale tels que des invertébrés (la chasse aux termites) et de petits vertébrés (dont d'autres singes plus petits comme les colobes et plus rarement d'autres chimpanzés)[13],[14].

Les gorilles ont une alimentation principalement végétale, à l'exception d'une consommation d'insectes comme les termites, les fourmis et, plus rarement, la coprophagie[15],[16],[17].

Les orang-outans consomment principalement des fruits, mais également des insectes, des œufs d'oiseaux, du miel et de la terre à des fins nutritionnelles et probablement médicinales (géophagie)[18],[19],[20].

L'alimentation des humains chasseurs-cueilleurs a varié dans le temps et selon les ressources, mais avec, tout au long du Paléolithique, une part croissante de viande, acquise d'abord par le charognage puis par la chasse. Il existe aujourd'hui chez les humains plusieurs sortes d'alimentation, dont la majorité contiennent des produits d'origine animale[21]. Chez les humains actuels, les alimentations varient fortement parmi les sociétés, et ont un aspect culturel[22]. Dans les territoires arctiques où l'agriculture est impossible, l'alimentation des Inuits et des Yupiks est essentiellement carnée. Ailleurs, de nombreux humains sont végétariens, en particulier en Inde, et d'autres ont une alimentation entièrement non animale[22].

Capacités cognitives[modifier | modifier le code]

Du fait de leurs capacités cognitives importantes et de leur proximité avec l'Homme, les autres hominidés actuels sont étudiés avec intérêt en primatologie et en éthologie cognitive.

La principale de leurs caractéristiques est leur comportement social complexe, avec des interactions importantes entre individus du même groupe et une grande expressivité faciale permettant de manifester leurs émotions. Tous sont capables de communiquer de façon efficace, et tous sont capables, avec une éducation appropriée, d'apprendre un langage rudimentaire et de manipuler des concepts abstraits[23]. Les hominidés font également partie des rares animaux à avoir conscience d'eux-mêmes (ils se reconnaissent dans un miroir, contrairement au chat, par exemple)[24].

Répartition géographique[modifier | modifier le code]

Si l'Homme s'est répandu sur une grande partie de la surface émergée du globe terrestre, les autres grands singes vivent dans des zones beaucoup plus circonscrites. Les chimpanzés se trouvent uniquement en Afrique équatoriale, de même que les gorilles, d'où le nom donné à ces deux groupes de grands singes africains. Les orang-outans ne vivent qu'en Asie du Sud-Est, dans les forêts de Malaisie et d'Indonésie, d'où leur appellation de grands singes asiatiques.

Espèces actuelles[modifier | modifier le code]

Liste des espèces actuelles selon ITIS (juin 2018)[25] :


Protection[modifier | modifier le code]

En 2006, toutes les espèces actuelles de grands singes, sauf l'homme, sont classifiées comme menacées. Outre la chasse pour la viande et les trophées, la capture pour l'exportation, les grands singes sont surtout menacés par la destruction de leur habitat naturel (notamment les forêts tropicales).

Fondé en 1977, en Californie, par le Dr Jane Goodall, l'Institut Jane Goodall inscrit son action dans une démarche globale de protection de la biodiversité, d'aide à la gestion durable et équitable des ressources naturelles, et d'éducation des plus jeunes.

Depuis 1977, l'Institut Jane Goodall protège les chimpanzés sauvages, gère des réserves naturelles et a créé des refuges en Afrique pour protéger nos plus proches cousins. Ces refuges accueillent majoritairement des orphelins dont les mères ont été victimes de la chasse. Sans les refuges de l'Institut, ils seraient condamnés.

Pour préserver la faune et lutter contre les menaces (trafics, chasse, déforestation, épidémies) qui pèsent sur l'avenir des grands singes, l'Institut développe, depuis sa création, des programmes innovants : Roots & Shoots pour l'éducation des plus jeunes (il encourage les jeunes à s'impliquer dans des projets visant à prendre davantage soin des animaux, de l'environnement et de la communauté humaine), Tacare pour aider au développement durable des populations et lutter contre les maladies, ChimpanZoo pour étudier et améliorer les conditions de vie des chimpanzés en captivité.

L'Institut Jane Goodall France a été créé en 2004.

Le Programme des Nations unies pour l'environnement et l'UNESCO ont lancé en 2001, le Great Apes Survival Project afin de protéger ces espèces en impliquant les populations locales.

Le débat sur les droits des grands singes a évolué sur la fin du XXe siècle. Deux chercheurs américains, Peter Singer et Paola Cavalieri, ont présenté une « déclaration sur les grands singes anthropoïdes » en 1993 qui revendique en leur nom le droit à la vie, la protection de la liberté individuelle et la prohibition de la torture. La Nouvelle-Zélande est le premier pays à l'avoir adopté[Quoi ?] en 1999 avec une loi leur reconnaissant ces trois droits fondamentaux[réf. souhaitée]. L'Espagne s'apprête à adopter une règlementation similaire[27]. Cette reconnaissance, du fait qu'elle implique de facto la création d'une échelle de valeur animale, est contestée par certains scientifiques[28].

Taxons fossiles[modifier | modifier le code]

Selon les données actuelles, la famille des hominidés est originaire d'Afrique, où elle serait apparue il y a environ 20 millions d'années[29]. Sa diffusion en dehors de l'Afrique est apparemment très ancienne puisque des fossiles de Griphopithèque datés de 14 à 17 millions d'années ont été découverts en Europe dès 1902 et en Turquie en 1974.

La classification des espèces fossiles d'hominoïdes varie quelque peu selon les auteurs et certains taxons fossiles sont âprement discutés.

Certains genres fossiles font partie des deux sous-familles actuelles d'hominidés et sont donc présentés dans l'article sur leur sous-famille :

D'autres genres fossiles font partie d'une sous-famille d'hominidés éteinte, ou ne sont pas précisément classés. Le paléoprimatologue canadien David Begun (d) recense les genres suivants comme étant des taxons basaux de la famille des hominidés[30],[31] :

  • sous-famille des Kenyapithecinae (Andrews, 1992) :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) lire en ligne, Shoshani J, Groves CP, Simons EL, Gunnell GF, Primate phylogeny: morphological vs. molecular results, Molecular Phylogenetics and Evolution, vol.5 (1), p.102-154, DOI 10.1006/mpev.1996.0009
  2. (fr + en) Référence ITIS : Hominidea Gray, 1825
  3. (en) Colin Groves, 2005-11-16, Hominidae, In Wilson, D. E., Reeder, D. M. (dir.), Mammal Species of the World, 3e édition, Johns Hopkins University Press, p.181-184, (ISBN 0-801-88221-4)
  4. lire en ligne
  5. Simpson G. G., 1961, Principles of animal taxonomy, Columbia University Press, New York
  6. (en) Morris Goodman (en), 1963, Serological analysis of the systematics of recent hominoids, Hum. Biol., p.377-436
  7. (en) Cronin J. E., 1983, Apes, humans, and molecular clocks, a reappraisal, In R. L. Ciochon and R. S. Corruccini (dir.), New Interpretations of Ape and Human Ancestry, p.115–150
  8. (en) P. Perelman, W. E. Johnson et al., « A molecular phylogeny of living primates », PLoS Genetics, vol. 7, no 3,‎ , e1001342 (PMID 21436896, PMCID 3060065, DOI 10.1371/journal.pgen.1001342, lire en ligne).
  9. (en) Mark S. Springer, Robert W. Meredith et al., « Macroevolutionary Dynamics and Historical Biogeography of Primate Diversification Inferred from a Species Supermatrix », PLoS ONE, vol. 7, no 11,‎ , e49521 (ISSN 1932-6203, PMID 23166696, PMCID 3500307, DOI 10.1371/journal.pone.0049521, lire en ligne).
  10. (en) J. Shoshani, C. P. Groves, E. L. Simons et G. F. Gunnell, « Primate phylogeny : morphological vs. molecular results », Molecular Phylogenetics and Evolution, vol. 5, no 1,‎ , p. 102-54 (PMID 8673281, lire en ligne)
  11. (en) Mark S. Springer, Robert W. Meredith et al., « Macroevolutionary Dynamics and Historical Biogeography of Primate Diversification Inferred from a Species Supermatrix », PLoS ONE, vol. 7, no 11,‎ , e49521 (ISSN 1932-6203, PMID 23166696, PMCID 3500307, DOI 10.1371/journal.pone.0049521, lire en ligne)
  12. Pascal Picq, Premiers hommes, Flammarion, , p. 104.
  13. (en) Teelen S, 2008, « Influence of chimpanzee predation on the red colobus population at Ngogo, Kibale National Park, Uganda », Primates, volume 49 (1), p.41–49, DOI 10.1007/s10329-007-0062-1, PMID 17906844
  14. (en) Hockings K. J., Humle T., Anderson J. R., et al., 2007, Sarah Brosnan (dir.), « Chimpanzees share forbidden fruit », PLoS One, volume 2 (9), e886, DOI 10.1371/journal.pone.0000886, PMC 1964537, PMID 17849015
  15. « Nutritional Aspects of the Diet of Wild Gorillas ». Consulté le 29 juin 2013.
  16. Yamagiwa J, Mwanza N, Yumoto T, Maruhashi T. (1994). « Seasonal change in the composition of the diet of eastern lowland gorillas ». Primates 35 : 1. DOI 10.1007/BF02381481.
  17. McNeilage A., 2001, Diet and habitat use of two mountain gorilla groups in contrasting habitats in the Virungas in Robbins MM, Sicotte P, Stewart KJ, editors. Mountain gorillas: three decades of research at Karisoke, Cambridge (R‑U) : Cambridge University Press. Pp. 265–92.
  18. Cawthon Lang KA (13 juin 2005). « Primate Factsheets: Orangutan (Pongo) Taxonomy, Morphology, & Ecology ». Consulté le 12 octobre 2007.
  19. Galdikas, Birute M. F. (1988). « Orangutan Diet, Range, and Activity at Tanjung Puting, Central Borneo ». International Journal of Primatology 9 (1) : 1. DOI 10.1007/BF02740195.
  20. Highfield, Roger (1er avril 2008). "Science: Monkeys were the first doctors". The Daily Telegraph (London). Retrieved 20 May 2010.
  21. « Données de consommations et habitudes alimentaires de l'étude INCA 2 », sur data.gouv.fr, (consulté le ).
  22. a et b Documentaire « ABC DE l’Homme », réalisé par Andrés Jarach. Diffusé par France 5 en octobre 2015..
  23. Picq P., et Coppens Y. (dir.), 2001, Aux origines de l'humanité, volume 2, Le propre de l'homme, Paris, Fayard, (ISBN 2-213-60370-7)
  24. (en) Gordon G. Gallup Jr., « Chimpanzees: self-recognition », Sciences, vol. 167,‎ , p. 86-87 (DOI 10.1126/science.167.3914.86)
  25. Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le juin 2018
  26. (en) A. Nater, M. P. Mattle-Greminger, A. Nurcahyo, M. G. Nowak, M. de Manuel, T. Desai, C. Groves, M. Pybus et T. B. Sonay, « Morphometric, Behavioral, and Genomic Evidence for a New Orangutan Species », Current Biology,‎ (DOI 10.1016/j.cub.2017.09.047).
  27. Maurin Picard, « Les droits de l'homme pour deux chimpanzés », Le Figaro.fr,‎ (lire en ligne)
  28. Le Temps, Société, « Le chimpanzé, un homme comme un autre ? ».
  29. Aux origines de l’humanité, De l’apparition de la vie à l’Homme moderne, sous la direction d'Yves Coppens et Pascal Picq, éd. Fayard, 2001
  30. (en) David R. Begun, « The Miocene hominoid Radiations », A Companion to Paleoanthropology, Oxford, Wiley-Blackwell,‎ , p. 398-415 (lire en ligne).
  31. (en) David R. Begun, The real Planet of the Apes : A new Story of human Origins, Princeton University Press, (lire en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références taxonomiques[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]