Face au COVID-19, changer de cap est-il encore possible ?

Aujourd’hui, nous luttons contre l’épidémie par le confinement et par le traitement des cas sévères à l’hôpital. Le secteur hospitalier est le principal intervenant face à la maladie. L’économie est quasi-bloquée, la sortie du confinement sera compliquée, le chômage va rebondir, rajoutant une crise à la crise. Notre stratégie actuelle contre le COVID est le résultat de contraintes dont certaines sont la conséquence directe de nos décisions passées : il faudra sérieusement tirer les leçons de cette crise sanitaire.

Changer de cap, c’est possible. C’est ce que j’ai voulu évoquer. Il est encore temps de réagir, mais c’est maintenant !

Dans une stratégie de lutte contre un agent infectieux comme le COVID, plusieurs volets sont utilisables. Je n’ai pas la prétention d’être exhaustif. Faisons le point sur certaines solutions.

1.     Éviter de se contaminer : le confinement est déclaré. La communication sur les mesures barrière est intense.

Problème : l’effet des mesures barrière est limité car nous manquons de masques. 

Solution : mettre des masques à disposition de tous.

-       Les commandes sont passées, mais trop tard, et elles arrivent difficilement. Il nous faudrait sans doute 60 millions de masques par semaine pour travailler dans de bonnes conditions de sécurité, et nous sommes loin du compte pour faire face au besoin. Mais vous le savez déjà. 

-       Nos industries se sont lancées dans la course. Nous avons perdu beaucoup de notre capacité industrielle ces dernières décennies, du fait de la mondialisation : nous sommes dépendants dans des secteurs aussi vitaux et stratégiques que celui de la santé. Nous en payons aujourd’hui la facture.

-       Pour pallier le manque de masques, les masques dits « artisanaux » sont une solution. Des procédures de fabrication et d’utilisation existent. Elles pourraient être diffusées et encouragées afin que tout le monde porte un masque : ça devrait être la règle.

2.     Être vacciné.

Problème : il n’existe pas de vaccin.

Solution : la mise à disposition d’un vaccin ne se fera pas avant plusieurs mois ou années. Le vaccin n’est donc pas une solution immédiate à l’épidémie.

3.     Dépister les cas au plus tôt et les isoler pour éviter les contaminations secondaires.

Problème : nous n’avons pas assez de tests à notre disposition à l’heure actuelle pour dépister tous les cas suspects. Le test par écouvillonnage permet de mettre en évidence la présence du virus par une technique de RT-PCR. La performance des tests sur écouvillons nasaux n’est pas toujours bonne.

Solutions :

-       Pour augmenter nos capacités de dépistage, nos industries se sont aussi lancées dans la course, avec les mêmes constats que pour la fabrication de masques.

-       Pour augmenter la performance des tests, la formation des préleveurs est essentielle. 

-       Pour augmenter notre capacité de dépistage, il faudrait impliquer tous les laboratoires, dont les laboratoires d’hygiène et les laboratoires vétérinaires. Ils disposent, semble-t-il, d’une capacité de plusieurs dizaines de milliers de tests par semaine. Ce ne sont pas des laboratoires destinés au diagnostic des maladies humaines : ils doivent obtenir une dérogation de la part de l’état. Cette dérogation aurait été demandée. La réponse serait toujours en attente.

-       Des tests de diagnostic rapide sur une goutte de sang sont à l’étude. Ils font le diagnostic en mettant en évidence la présence d’anticorps. Cependant, leurs performances doivent être évaluées (sensibilité, spécificité) avant toute prise de décision. Avec quel test de référence pourra-t-on évaluer leurs performances ? cette question est cruciale,

-       La mise au point de tests de détection des virus en sang capillaire pourrait être explorée. Ainsi, à partir d’une goutte de sang prise au bout du doigt, nous pourrions détecter le virus et les anticorps, ce qui augmenterait d’autant les performances.

4.     Identifier systématiquement les personnes contacts des cas pour les isoler, les dépister et les surveiller

Problème : il faut disposer de capacité d’investigation autour des cas.

Solution : l’identification des cas contacts pourrait se faire par les médecins généralistes, les médecins du travail ou des équipes spécifiques dédiées. L’identification des contacts peut aussi se faire par des algorithmes qui s’appuient sur les déplacements enregistrés dans nos smartphones : cette solution automatisée permet de contacter les personnes croisées les jours précédents. Il faut évidemment encadrer ce processus au niveau légal.

5.     Traiter les cas dépistés en amont pour éviter qu’ils ne s’aggravent et ne deviennent des cas sévères nécessitant une hospitalisation.

Problème : il faut un traitement.

Solution : le traitement par hydroxychloroquine et azithromycine semble adapté à cette situation. 

À condition d’être délivré sur ordonnance par un médecin qui en assurera la surveillance, ce traitement est très bien toléré et il peut être administré à grande échelle. 

L’efficacité de ce traitement est contestée : certains médecins disent qu’elle n’a pas été démontrée, d’autres affirment le contraire. Face à ce débat, faut-il ou non utiliser l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine ? 

Pour éclairer notre décision, explorons ce scénario assez réaliste de l’épidémie de COVID, à l’échelle d’une population : 

-       Lorsqu’on est infecté, dans 99% des cas, nous aurons soit une infection asymptomatique (c’est-à-dire que nous resterons en bonne santé apparente), soit une affection bénigne qui guérira en quelques jours. Dans 1% des cas, nous présenterons une forme sévère qui nécessitera une hospitalisation. Le risque de décès sera alors d’une chance sur six. Donc, sur 10000 personnes infectées, nous observerons 9900 cas asymptomatiques ou bénins et 100 cas sévères, dont 17 décéderont (un sur six : environ 17%).

-       Pour que l’épidémie cesse, il faudra atteindre une immunité de masse. Par exemple, pour la rougeole, le seuil est de 95%. Ceci signifie que lorsque 95% de la population est immunisée contre la rougeole, le virus de la rougeole ne peut plus circuler dans la population et les cas de rougeole disparaissent ou sont extrêmement rares. Dans le cas du COVID-19, compte-tenu de sa contagiosité heureusement moindre que celle de la rougeole, il est possible de considérer qu’une immunité de masse de l’ordre de 75% stoppera l’épidémie. Seuls quelques cas ou foyers ponctuels continueront à être observés, passé ce seuil. Donc, pour un million de personnes exposées au COVID-19, nous décompterons en fin d’épidémie 750000 personnes contaminées. Sur ces 750000 personnes, 1% auront fait une forme sévère de la maladie nécessitant une hospitalisation, soit 7500, dont une sur six sera décédée, soit 1250.

-       L’intérêt du traitement par hydroxychloroquine et azithromycine réside dans sa capacité à diminuer la contagiosité et à diminuer la survenue des formes sévères, s’il est prescrit suffisamment tôt, en fonction de critères cliniques définis. 

o   Si ce traitement ne possède aucune capacité à empêcher la survenue des formes sévères de la maladie, nous n’observerons aucun changement. 

o   Si ce traitement réduit de 10% l’apparition des formes sévères, alors nous observerons une réduction de 750 formes sévères, dont 125 décès. 

o   Si ce traitement réduit de 30% l’apparition des formes sévères, nous aurons empêché la survenue de 2250 formes sévères dont 375 décès.

o   Si ce traitement réduit de 50% l’apparition des formes sévères, alors nous observerons une réduction de 3250 formes sévères, dont 625 décès. 

La diminution du nombre de formes sévères réduira d’autant la pression sur les services de réanimation hospitaliers. Ce qui signifie que les cas sévères restants pourront être soignés plus efficacement, d’où l’espoir d’une réduction supplémentaire de la létalité par un gain qualitatif dans la prise en charge des cas.

Qui prescrira l’hydroxychloroquine et l’azithromycine ? Ce seront les médecins hospitaliers et généralistes, mais aussi, pourquoi pas, les médecins du travail dont un décret en préparation élargit déjà les compétences face au COVID. 

La mise en œuvre du traitement par hydroxychloroquine et l’azithromycine, s’il est efficace, sera également un pilier essentiel pour faciliter la sortie du confinement et la reprise économique. En effet, si le confinement a pour objectif d’étaler les cas sévères dans le temps, il a aussi comme effet « pervers » de nous empêcher de nous immuniser et donc d’atteindre le seuil des 75% de personnes immunisés. Pour sortir du confinement, reprendre une vie normale et relancer l’économie sans craindre un rebond épidémique, les trois piliers de la stratégie seront le port du masque et les mesures barrière pour tous, le dépistage et le traitement précoce ! En fait, la bonne stratégie de sortie de confinement consistera à mettre en place la stratégie que la Corée du Sud a suivi d’emblée et qui lui a permis d’éviter un confinement et de conserver une activité économique.

Quel est le seul vrai risque à utiliser le traitement par hydroxychloroquine et l’azithromycine ? C’est qu’il ne soit pas efficace. Dans ce cas, nous pourrons l’arrêter. Quel est son bénéfice ? Si son efficacité est comprise entre 10% et 50% : de non négligeable à considérable. 

Alors, pourquoi attendre encore sa mise en œuvre en France ? C’est pour moi inexplicable, d’autant que de plus en plus de pays décident de l’utiliser.

6.     Prendre en charge les cas sévères à l’hôpital pour éviter la mortalité.

Problème : nos capacités hospitalières ont été sérieusement rabotées depuis plusieurs années. Le nombre élevé de cas à prendre en charge dans un court délai de temps a noyé nos services hospitaliers qui ne tiennent que par l’acharnement des équipes médicales. Conséquence directe : la létalité du COVID est très certainement supérieure à celle qui serait observée en temps normal. De plus, et c’est inévitable, d’autres urgences passent forcément au second plan et elles sont source d’une surmortalité qui pourra être analysée en détails, par comparaison aux années précédentes. 

Solution : il faut étaler la survenue des cas sévères dans le temps. C’est la seule raison d’être du confinement. Lueur d’espoir, les essais cliniques en cours pourront peut-être permettre d’identifier un traitement efficace des formes sévères. Mais il faudra attendre encore quelques semaines pour avoir un début de réponse.

En conclusion, plusieurs mesures supplémentaires pourraient être prises rapidement : imposer le port du masque, même artisanal ; élargir nos capacités de dépistage à tous les laboratoires existants ; autoriser la prescription d’hydroxychloroquine et d’azithromycine selon le protocole défini par l’Institut Hospitalo-Universitaire de Marseille à tous les soignants et à tous les médecins du travail.

J’oubliais une dernière mesure. Comme disait Einstein, « casser un atome est plus facile que briser un préjugé ». En France, nous avons besoin de briser les murs de nos préjugés : si nous nous pensions les meilleurs, il nous faut atterrir, et vite. Pour ma part, j’essaie aussi d’atterrir dans les meilleures conditions. La météo n’est pas très bonne, mais bon…

Je salue et j’ai une pensée pour toutes les personnes à pied d’œuvre, à l’hôpital bien sûr, mais aussi en dehors de l’hôpital, comme tous ces personnels des service publics, ces salariés et ces entreprises de l’ombre qui permettent au pays de passer ce cap difficile de l’épidémie de COVID. 

PS : Dans ce post, je n’ai volontairement pas abordé les mesures d’hygiène et de prévention spécifiques au milieu hospitalier et à d’autres secteurs professionnels impactés par la circulation du virus, ni la nécessaire formation des différents agents et personnels impliqués dans la lutte.



Bernard Bel

Software Engineer at Bol Processor project

4y

Merci pour cet article qui m'a aidé à compléter ma page https://lebonheurestpossible.org/coronavirus-discussion/ — en révision quotidienne comme le montre l'historique. Il est important de décrypter le discours officiel destiné à obtenir un consensus à partir d'éléments de langage, en analysant de manière critique les données scientifiques et leurs interprétations. Cela prend beaucoup de temps au quotidien…

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Fatimata Moussa

Consultant Indépendant Médecin Spécialiste en Santé Publique Cabinet d'Expertise CESP+ Niamey Niger

4y

Tres pertinent

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Le confinement de masse, mal respecté et imparfait par nature, trouve ses limites. Il a stabilisé le nombre de nouveau cas graves c est déjà bien. Mais cela peut repartir avec son arrêt. Il faut des masques en nombre pour les plus exposés, et des masques pour les sorties de ceux qui le sont moins. Donc des masques pour tous en nombre different. Et pour cela il faut s organiser globalement et localement. Pour une crise, on nomme un Directeur de crise et un responsable pour chaque pb/domaine. Un monsieur ou une dame masque et son équipe, un monsieur ou une dame respirateur, un monsieur ou dame redirection des productions... Parole d un ex Directeur sécurité. Limite du confinement de masse: Chaque personne qui vient me livrer n a pas de masque, me parle à 1m voire moins et un mètre de face ce n est pas assez. Des personnes vont voir leur famille. Des soignants sont contaminés et ne le savent pas etc....

Beaucoup de vérités dans ce qui est écrit A ce titre l approche de hong kong est instructive. Tout le monde a des masques. Hormis les expat revenus mi mars ! Confinement de l'immeuble des qu il y a un cas. Soins très tôt. Appareils en nombre. Frontières avec le continent très fermées...

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