Ocytocine

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Ocytocine
Image illustrative de l’article Ocytocine
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Molécule d'ocytocine.
Identification
No CAS 50-56-6
No ECHA 100.000.045
No CE 200-048-4
Code ATC H01BB02
DrugBank DB00107
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C43H66N12O12S2  [Isomères]
Masse molaire[1] 1 007,187 ± 0,055 g/mol
C 51,28 %, H 6,6 %, N 16,69 %, O 19,06 %, S 6,37 %,

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

L'ocytocine est un neuropeptide sécrété par les noyaux paraventriculaire et supraoptique de l'hypothalamus et excrétée par l'hypophyse postérieure (neurohypophyse) qui agit principalement sur les muscles lisses de l'utérus et des glandes mammaires. Elle a aussi un rôle connu chez les êtres humains, notamment en ce qui concerne la confiance, l'empathie, la générosité et la sexualité[2],[3].

Son nom est dérivé du grec « ocy » pour ὠκύς, ôkus : « rapide », et de « tocine » pour τόκος, tokos : « accouchement ».

Elle est impliquée dans la reproduction sexuée, particulièrement pendant et après la naissance[4]. Elle est libérée en grande quantité (6x plus les 3 premiers mois de grossesse et jusqu'à 86x plus à la naissance)[5] après la distension du col de l'utérus et de l'utérus pendant le travail, ce qui facilite la naissance, et après stimulation des mamelons ou l'allaitement. À la fois la naissance et l'éjection de lait proviennent d'un mécanisme de rétroaction maternelle positive.

Des études récentes ont commencé à suggérer que l'ocytocine pourrait avoir un rôle dans différents comportements, comme l'orgasme, la reconnaissance sociale, l'empathie, l'anxiété, les comportements maternels, etc., d'où son surnom d'« hormone du plaisir », « hormone du bonheur »[6], ou encore « hormone de l'attachement » mère-enfant. Dans certaines situations, l'ocytocine pourrait aussi induire des comportements « radicaux », voire violents pour la défense du groupe, par exemple face à un tiers refusant de coopérer. Elle deviendrait alors une source d'agressivité défensive (et non offensive)[7]. Cependant, de nombreuses données sur les comportements d’êtres non-humains et les résultats des études plus récentes sur l'être humain restent encore fragiles[8], en raison notamment de données en apparence contradictoires, d'interactions à plusieurs niveaux et d'obstacles méthodologiques[9].

L'ocytocine est surtout synthétisée par le cerveau, mais plusieurs autres types de cellules que celles du système nerveux en sécrètent. La synthèse se fait en continu, mais avec des périodes d'activité plus ou moins importantes.

Découverte[modifier | modifier le code]

C'est Henry Dale qui le premier démontre en 1906 les propriétés contractiles chez la chatte enceinte d'une substance produite par l'hypophyse. La molécule est isolée et commercialisée en 1927 sous le nom d'Oxytocin. Elle est prescrite pour le travail de l'accouchement. En 1955, le biochimiste Vincent du Vigneaud la décrit comme une hormone formée d'une chaine de neuf acides aminés[10].

Structure[modifier | modifier le code]

L'ocytocine est un polypeptide comportant neuf acides aminés, dont les deux groupements cystéine sont reliés par un pont disulfure (Cys1 - Cys6). La séquence des acides aminés est présentée ci-dessous :

H─CysTyrIleGlnAsnCysProLeuGly─NH2.

Bien que l'ocytocine et la vasopressine aient des structures voisines (sept acides aminés en commun), ces deux hormones possèdent des effets très différents.
La composition chimique de l'ocytocine est la même chez tous les mammifères, tandis que la structure moléculaire de la vasopressine diffère légèrement chez certaines espèces.

Une protéine dite protéine de Van Dyke serait douée simultanément d'activités ocytocique et vasopressique. Elle semble comprendre les deux hormones et un matériel protéinique inerte[11].

Mode d'action[modifier | modifier le code]

L'ocytocine se fixe sur les récepteurs des cellules musculaires de l'utérus et des glandes mammaires. Ces récepteurs, couplés à une protéine Gq, activent les phospholipases C qui dégradent les PIP2 (Phosphatidylinositol bisphosphate) en inositol triphosphate (IP3) et diacylglycérol (DAG). L'IP3 va conduire à l'augmentation de la concentration intracellulaire en calcium. Les ions Ca2+ ainsi libérés favorisent les interactions entre les protéines d'actine et de myosine, à la base de la contraction musculaire. Le DAG va lui, modifier l'activité des protéines kinases C.

Régulation[modifier | modifier le code]

La régulation de la production d'ocytocine se fait par voie nerveuse. Pendant l'accouchement, le stimulus est la dilatation du col de l'utérus qui est détectée par des mécanorécepteurs présents sur la paroi de l'utérus. Ces récepteurs envoient l'information au système nerveux central qui déclenche la production d'ocytocine[réf. nécessaire].

Dans la glande mammaire, la succion du mamelon est de même détectée par des récepteurs reliés au système nerveux central : cette stimulation entraîne la production d'ocytocine par la neurohypophyse à la suite de l'envoi d'influx nerveux efférents provenant de l'hypothalamus.[réf. nécessaire].

À l'inverse d'autres hormones, l'ocytocine ne bénéficie pas d'un dispositif régulateur (feed-back) qui permettrait de limiter sa production. Il semble au contraire que l'ocytocine active des processus qui fonctionnent en « cascade ». C'est pourquoi l'on peut en observer des pics importants et une production sur un mode « pulsatif ». Une étude récente menée par l'équipe de Kerstin Uvnäs-Moberg, en Suède, montre que la durée moyenne d'allaitement au sein est supérieure chez les femmes qui ont bénéficié de production pulsative d'ocytocine naturelle pendant leur accouchement[12].

Évolution[modifier | modifier le code]

Du point de vue de l'évolution, l'ocytocine et la vasopressine sont d'anciennes substances proches.[réf. nécessaire]

Effets comportementaux[modifier | modifier le code]

L'injection d'ocytocine dans le cerveau de certains mammifères produit des modifications significatives de leur comportement, mais peu d'espèces ont été étudiées sur ce point, et les modifications observées sont très variables selon les espèces.

Rôle lors d'une naissance[modifier | modifier le code]

Les premiers effets reconnus de l'ocytocine ont été sa faculté d'accélérer l'accouchement chez les mammifères. L'ocytocine provoque en effet la contraction des muscles lisses de l'utérus et accélère le travail. Cette hormone permet aussi à l'utérus de se rétracter après l'expulsion, pour qu'il retrouve sa position initiale.

L'ocytocine dans le circuit sanguin est indispensable au réflexe d'éjection du placenta. Or, la phase qui suit immédiatement la naissance correspond pour la mère à un pic très élevé d'ocytocine naturelle [réf. nécessaire].

L'injection d'ocytocique de synthèse (oxytocine) est recommandée par le CNGOF (collège national des gynécologues et obstétriciens français)[13] ainsi que par la HAS[14] lors de la troisième phase de l'accouchement (qui correspond au moment où le bébé est sorti, et il reste à expulser le placenta) pour prévenir les hémorragies de la délivrance, première cause de mortalité maternelle en France.

Une recherche de l'INSERM a mis en évidence que l'injection d'ocytocine (ocytocique de synthèse) pendant l'accouchement (les phases de travail, avant la sortie du bébé) est un facteur de risque indépendant d'hémorragies de la délivrance[15]. Les chercheurs émettent l'hypothèse que l'ocytocine de synthèse pendant l'accouchement provoque la saturation des récepteurs, compromettant l'action de l'hormone au moment de l'expulsion du placenta. Ils appellent à réserver l'administration d'ocytocine pendant l'accouchement à des indications précises ainsi qu'à la modération des doses[16]. En 2010 en France, 64 % des femmes recevaient de l'ocytocine pendant le travail[17].

Au cours de la tétée, l'ocytocine stimule l'excrétion du lait en favorisant la contraction des cellules myoépithéliales qui entourent les alvéoles (acini) des glandes mammaires. L'ocytocine n'a pas de contrôle sur la production du lait, qui est dépendante de trois facteurs, deux chimiques (la prolactine et des œstrogènes) et un facteur mécanique (la succion du bébé ou l'expression artificielle du lait).

Une étude a suggéré que les vocalisations émises de la mère vers l'enfant sont reconnues par le bébé. Elles induisent des processus hormonaux complexes influençant notamment l'attachement mère-enfant et le comportement du bébé en impliquant l'ocytocine (un enfant stressé, consolé par la seule voix de sa mère, activerait un processus hormonal semblable à celui qui reçoit une attention physique. La production d'ocytocine serait activée par la voix chez l'espèce humaine, alors qu'il faut chez le rat un contact physique)[18]. Toutefois, cette étude ayant examiné des dyades mère-fille ne permet pas à elle seule d'affirmer l'existence de cet effet, ni de savoir s'il est propre à la voix de la mère.

Chez les primates[modifier | modifier le code]

Chez le primate en général, les effets des neuropeptides tels que l'ocytocine sont plus subtils que chez les rongeurs[réf. nécessaire]. L'ocytocine provoque des comportements différents selon le statut social des individus. Les mâles au sommet de l'échelle hiérarchique deviennent plus agressifs et plus actifs sexuellement, tandis que ceux au bas de l'échelle augmentent leurs comportements de toilettage social[réf. nécessaire].

Chez l'être humain, l'inhalation d'ocytocine permettrait de majorer un état de confiance vis-à-vis d'autrui[19].
L'administration intranasale d'ocytocine pourrait améliorer le comportement social de patients avec autisme de haut niveau (HFA) ou syndrome d'Asperger (SA)[20]. Une étude d'octobre 2010 a également suggéré l'efficacité de tels vaporisateurs sur les symptômes de la schizophrénie en association avec un traitement antipsychotique[21]. D'autres études doivent être menées pour confirmer ces résultats[8].

Chez la brebis[modifier | modifier le code]

L'injection d'ocytocine par voie intraventriculaire (dans le cerveau) chez des brebis non-gestantes a permis de produire artificiellement des réflexes maternels. L'administration d'œstrogènes et de progestérone plus une stimulation vagino-cervicale (sexuelle) produit le même effet. Par contre, cet effet est annulé si la brebis est sous péridurale[22].

Chez la femelle campagnol[modifier | modifier le code]

Chez les campagnols, les comportements sexuels sont en partie associés à l'ocytocine. Le campagnol des prairies présente un attachement familial profond, est sociable et monogame. À la suite de l'accouplement, le couple est très uni et habite le même nid. Les deux parents sont impliqués activement dans les soins des petits pendant une longue période et le mâle défend sa compagne. À l'opposé, le campagnol des montagnes est asocial et volage, chacun possède son propre nid, la femelle ne s'occupe de sa progéniture que pendant une brève période et les mâles ne s'impliquent pas du tout dans la vie des petits[réf. nécessaire]. Des études pharmacologiques suggèrent que chez la femelle du campagnol des prairies l'ocytocine serait nécessaire pour développer une relation de couple et pour stimuler le comportement maternel[23]. Ces effets ne sont pas observés chez les campagnols des montagnes, probablement à cause de différences dans la programmation génétique des circuits cérébraux associés à ces instincts. Ces derniers ont une densité plus faible de récepteurs de l'ocytocine que les campagnols des prairies.

Chez le rat[modifier | modifier le code]

Chez le rat, l'ocytocine a aussi des implications dans les comportements maternels après l'accouchement y compris la défense des petits contre les intrus et dans l'inhibition de la peur et de l'agressivité en situation sociale (facilitation sociale, affiliation)[réf. nécessaire][24].

Divers[modifier | modifier le code]

L'ocytocine fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en avril 2013)[25].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Netgen, « L’ocytocine : hormone de l’amour, de la confiance et du lien conjugal et social - Revue Médicale Suisse », sur Revue Médicale Suisse (consulté le ).
  3. (en) « The acute effects of intranasal oxytocin administration on endocrine and sexual function in males »
  4. (en) Jennifer L. Garrison, Evan Z. Macosko, Samantha Bernstein, Navin Pokala, Dirk R. Albrecht et Cornelia I. Bargmann. « Oxytocin/Vasopressin-Related Peptides Have an Ancient Role in Reproductive Behavior » Science 2012;338(6106):540-3. PMID 23112335
  5. Marcel Hibert, Ocytocine, mon amour, , 251 p.
  6. D'autres hormones comme la testostérone, appelée « l'hormone du désir », la prolactine à l'effet libidinal ou la lulibérine qui entraîne l'accouplement, interviendraient également dans la genèse de l'état amoureux. Source : Jean-Didier Vincent, Biologie des passions, Odile Jacob, , p. 242.
  7. « L'ocytocine ou l'hormone du sacrifice ? », Sciences actualité, mis en ligne le 17 juin 2010 (consulté le 27 juin 2010).
  8. a et b (en) Larry J. Young, Loretta M. Flanagan-Cato. « Editorial comment: oxytocin, vasopressin and social behavior » Hormones and Behavior 2012;61(3):227-229 PMID 22443808
  9. (en) Cade McCall & Tania Singer, « The animal and human neuroendocrinology of social cognition, motivation and behavior », Nature Neuroscience, vol. 15, no 5,‎ , p. 681–688.
  10. Pascale Santi, L'ocytocine, déroutante hormone de l'amour dans Le Monde du5 septembre 2018, suppl. Science et Médecine
  11. R Acher, J Chauvet & G Olivry ; Sur l'existence éventuelle d'une hormone unique neurohypophysaire I. Relations entre l'ocytocine, la vasopressine et la protéine de van dyke extraites de la neurohypophyse du bœuf ; Biochimica et Biophysica Acta ; Volume 22, Issue 3, décembre 1956, Pages 421-427 ; doi:10.1016/0006-3002(56)90050-6ISTEXISTEX (résumé).
  12. (en) Kerstin Uvnäs‐Moberg, Ann-Marie Widström, Sigbritt Werner et Ann-Sofie Matthiesen, « Oxytocin and Prolactin Levels in Breast-Feeding Women. Correlation with milk Yield and Duration of Breast-feeding », Acta Obstetricia et Gynecologica Scandinavica, vol. 69, no 4,‎ , p. 301–306 (ISSN 1600-0412, DOI 10.3109/00016349009036151, lire en ligne, consulté le )
  13. Sentilhes L, « Hémorragie du post-partum : recommandations pour la pratique clinique — Texte des recommandations (texte court) », Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction, vol. 10, no 43,‎ (lire en ligne)
  14. Haute Autorité de Santé, « Accouchement normal : accompagnement de la physiologie et interventions médicales », sur www.has-sante.fr, (consulté le )
  15. (en) Jérémie Belghiti, Gilles Kayem, Corinne Dupont, René-Charles Rudigoz, Marie-Hélène Bouvier-Colle, Catherine Deneux-Tharaux, « Oxytocin during labour and risk of severe postpartum haemorrhage: a population-based, cohort-nested case–control study », BMJ Open, vol. 1, no 2,‎ , e000514. (DOI 10.1136/bmjopen-2011-000514, lire en ligne)
  16. « Hémorragies après l’accouchement : quel rôle pour l’ocytocine ? », sur www.inserm.fr, (consulté le )
  17. Béatrice Blondel et Morgane Kermarrec, Enquête nationale périnatale 2010. Les naissances en leur évolution depuis 2003. Unité de recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants INSERM - U.953, INSERM, DGS, DREES, , 132 p. (lire en ligne [PDF]), p. 79.
  18. (en) Leslie J. Seltzer, Toni E. Ziegler & Seth D. Pollak ; « Social vocalizations can release oxytocin in humans » ; journal de recherche biologique de la Royal Society : Proceedings of the Royal Society ; résumé.
  19. (en) Kosfeld M, Heinrichs M, Zak PJ, Fischbacher U, Fehr E, Oxytocin increases trust in humans, Nature, 2005,435, 673-676.
  20. (en) E Andari, J-R Duhamel, T Zalla, E Herbecht, M Leboyer, A Sirigu (2010) Promoting social behavior with oxytocin in high-functioning autism spectrum disorders, PNAS, in press.
  21. (en) D. Feifel, K. Macdonald, A. Nguyen et al., « Adjunctive intranasal oxytocin reduces symptoms in schizophrenia patients », Biol Psychiatry, vol. 68, no 7,‎ , p. 678-80 (PMID 20615494).
  22. (en) Keverne EB, Kendrick KM, Maternal-behavior in sheep and its neuroendocrine regulation, Acta Paediatrica, 1994;83, p. 47-56 Suppl. 397.
  23. Janlou Chaput, « Science décalée : l’ocytocine, l’hormone qui rend les hommes fidèles ? », sur www.futura-sciences.com, (consulté le )
  24. Groupe Medecine & Hygiene, « Comment le cerveau gère-t-il la peur? », Comment le cerveau gère-t-il la peur? - Planete sante,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. WHO Model List of Essential Medicines, 18th list, avril 2013

Voir aussi[modifier | modifier le code]