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!!L’acceptation – 31 octobre 2010, studio Forbin, en préparation du PBTM IV
Nous avons profité d’être à trois pour nous attarder sur « l’éveil des muscles ».
Pour une fois, chacun a nommé pour les deux autres le lieu où s’exerçait le mouvement musculaire. Ce lieu n’est pas toujours visible, et c’était une façon « d’éduquer le regard ». Nommer n’est pas une chose facile, elle ne devrait pas forcément être systématisée, mais cela nous a permis de densifier l’attention, et de prendre conscience du cheminement des mouvements musculaires.
Accueillir la sensation, lorsque celle-ci est une tension ou une crampe par exemple, n’est pas facile non plus. Nous sommes conditionnés à vouloir faire taire toute tension dès qu’elle se manifeste. Et même si à l’échelle d’une vie, on peut constater que de se détendre par le simple exercice de la volonté n’a jamais réussi à apaiser durablement les tensions profondes, douloureuses ou pas, on continue à « vouloir » se détendre, c’est devenu un réflexe culturel.
Accepter la réalité d’une tension musculaire, voir ce qu’elle essaie de faire dans le corps et à quels besoins elle répond, change l’angle de vue radicalement et peut faire un peu peur au prime abord. Ne vais-je pas me faire mal ? Garder cette douleur pour toujours ? Lorsqu’elle est persistante ou chronique, ne vais-je pas l’ancrer un peu plus dans mon dos, mes épaules, mon cou ?
Permettre au corps de se tendre très exactement là et jusqu’où il en a besoin, a produit chez l’une d’entre nous en premier une douleur forte, puis beaucoup de chaleur, puis après une heure environ, la douleur et la tension se sont évanouis. Chez d’autres personnes, à d’autres moments, le cheminement peut varier, mais la détente qu’on n’attend plus arrive le plus souvent par la satisfaction donnée au corps lorsqu’on lui permet d’agir à sa façon.
Refuser une tension en voulant se détendre, cela revient à imprimer une tension contradictoire. Je rajoute une tension à une tension, et je m’étonne que ma tension persiste.
Alors, à quoi peut bien servir une tension musculaire ? C’est par l’éveil des muscles qu’on voit le plus la pertinence d’une tension : le corps se tord, se tend, s’étire ou se resserre, se décale ou se vrille, il passe par toutes les étapes qui lui sont nécessaires pour se rassembler et recentrer. En faisant cela, il régule sa température interne : il comble l’excès de froid par l’échauffement et évacue l’excès de chaud par la transpiration.
Les mouvements nécessaires et adéquats à notre for intérieur se révèlent, et la « danse de l’immanence » voit le jour…
Garder à trois la structure de la danse forum n’a pas été possible, par manque de regard extérieur. Mais nous avons problématisé notre thème « l’acceptation », avec cette question : qu’est-ce que j’accepte ?
La première improvisation a pris « l’acceptation » de plein fouet : mouvement de recul, marche arrière, avec cette tension entre recevoir ou fuir. Il a été question du sentiment d’échec, tristesse de céder à quelque chose ou à quelqu’un devant l’incompréhension, avec l’espoir de comprendre un jour…
Tout ce qui a été accepté et n’aurait pas dû l’être est venu faire surface, sans concession. Qu’est-ce que j’accueille, et quand est-ce que je suis disposé(e) ?
Un certain apaisement est venu avec le non-jugement : tensions intérieures, sentiment d’avoir fait son possible et pas plus que son possible. Faire le tri entre ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas.
L’acceptation opère un réajustement de l’image que l’on a de soi : la sincérité sert de repère, pour soi et pour les autres.
Un dos qui se courbe projette immédiatement un premier flux d’images : soumission, honte, faiblesse… Puis une seconde vague : adaptabilité à l’état des choses, capacité à plier sans se rompre, lutte souple et tenace. Ce n’est plus une violence, mais la volonté du bélier qui est en route.
En route vers une sensation de force, de lutte dans l’endurance, de course de fond. Les tensions ont laissé place à l’envie de rejoindre les autres danseurs, les yeux ouverts, le dos droit, spontanément.
Les espaces de chacun se sont construits, effleurements cellulaires, qui créent une attente bien sûr… Pour être bien perçu, bien s’apercevoir : c’est devenu limpide.
La mousson d’automne a rendu les armes, et je passe la plume,
Andréine Bel,
d’après les retours de : Andréine B, Bernard B, Maritza S.
Article créé le 16/02/2020