Danse forum
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!! La machine- 28 mars 2009
J’avais beaucoup d’hésitations et de questionnements pour cet atelier, car c’était la première fois que j’en dirigeais un avec ce public. Nous étions au moins vingt cinq personnes, dont environ la moitié des personnes en situation d’handicap.
Comme une des éducatrices avait demandé un échauffement plus structuré, plus dirigé que lors de notre première rencontre en 2008, j’avais dans un premier temps proposé à Elisabeth de faire deux exercices au début.
Andréine et Nadine pensaient que c’était trop loin de la danse forum, de l’échauffement à travers la reconnection avec les sensations. Après beaucoup de discussions et réflexions je suis arrivée au point de me dire, je tente de suivre presque entièrement le schéma de la danse forum, sauf au tout début de l’atelier où j’ai proposé un seul exercice venant de la danse contact pour se saluer, se rencontrer.
Tout le monde marche dans la salle, avec soi-même. Petit à petit on « s’attrape » par les yeux et on continue à marcher, on s’attrape avec tous ceux qu’on croise. Puis on s’attrape avec les mains, parfois on fait un petit tour, puis par d’autres parties du corps, comme ça vient, on y ajoutant la voix, des sons, des mots, toujours en marchant.
Arrêt. Je demande que se passe-t-il en vous maintenant ? Qu’est-ce que vous sentez ? Quelques mots sortent : chaleur, joie …
On continue à bouger dans la salle, comme ça nous vient, à observer ce qui se passe en nous. La voix prend une place importante, des rythmes différents se font entendre, des petits groupes se forment – après mon incitation à se regrouper avec ceux et celles qui sont dans un rythme semblable. Petit à petit ces différents rythmes forment un seul ensemble pendant quelques instants. Assez étonnant.
Nouvel arrêt : qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que vous voyez comme mouvement qui viennent ? Un monsieur voyait des oies, d’autres des cloches, des balancements, de l’eau, des vagues, des mouvements de machine. On continue et je rajoute une musique en proposant qu’avec tout ça, on se mette à chercher le thème qui nous était commun, en mouvement sur deux morceaux de Bach in Africa. Tout le monde s’y met, ça bouge beaucoup, la joie est au rendez-vous. A la fin du morceau on s’arrête et on cherche le thème : beaucoup d’entre nous avaient repris des mouvements de machine, balancements, va-et-vient… et c’est le thème de la machine qui a été adopté.
’’’Le forum’’’ : on avait d’abord un petit problème avec la scène, car le sol était du carrelage, avec des tapis dans seulement un quart de la salle. On s’est assis autour des tapis, sur trois côtés, puis petit à petit les chanteurs se sont mis derrière la scène. Très vite la scène s’est avérée trop grande et on s’est resserré.
Pendant assez longtemps nous sommes restées trois danseuses sur scène, à deux reprises les mêmes, personne ne rentrait, l’énergie était retombée. Je commençais à m’angoisser. J’ai arrêté la deuxième impro puis posé la question de qu’est-ce qui se passait. Beaucoup trouvaient que ce n’était pas évident pour eux/elles de rentrer car sur scène il y avait un certain rythme (de la machine) auquel ils/elles trouvaient difficile de s’ajouter et que c’était difficile d’accorder son rythme intérieur avec celui de « la machine » sur scène. Puis on a parlé des rythmes différents qui justement jouent ensemble dans une machine.
Je pense aussi que le fait que je sois sur scène a fait peur à certain/e/s, alors que je m’y étais mise (entre autres, mais pas seulement) pour encourager d’autres à venir. Je suis donc restée en dehors, et me suis mise avec les chanteurs et « faiseurs de bruits ».
Là, la scène a commencé à s’ouvrir, de plus en plus de personnes s’y sont mises, l’énergie est remontée, avec des moments de retombée. C’était comme une machine qui presque s’arrête, puis quand on pense qu’elle s’éteint, quelque part une petite roue recommence à tourner, un piston à se lever et baisser, des bras qui avancent et reculent. Les sons devenaient tantôt des crissements, soufflements, grincements, ratatatatams s’accélérant puis des plofplofplof ralentissants. Devant nous se déployait un spectacle assez hallucinant de petites et grandes roues qui tournent les unes dans les autres, ensemble ou a contrario, de lourds poids qui s’élèvent et retombent lourdement, et se relèvent et retombent, des chaînes qui se déroulent… Impressionnant !
Tout le monde pris dans la machine, soit par le corps, la voix ou le regard et les tripes pendant bien vingt minutes. Impossible à arrêter. Elle nous a fait transpirer et jubiler, a donné la chair de poule à certains, cette machine dont on a compris à la fin que c’était surtout une question d’énergie et de tension qui la faisait marcher, vivre.
« Comme une machine à laver », disait une des jeunes filles. Une expérience très riche, bien qu’en y pensant maintenant, on aurait pu aller plus loin dans la problématisation, surtout sur les parallèles et différences avec l’être humain.
A suivre…
Johanna Bouchardeau
Article créé le 16/02/2020