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!!La rencontre – 20 février 2011
Nous étions huit à tomber d’accord pour le thème réflexif de la « rencontre », entre nouveaux et anciens, Alpes et Provence, acteurs et danseurs, poésie et gestes.
L’échauffement a permis une première rencontre entre sensations et interprétations : se relier aux « sensations repères » pour laisser les interprétations venir ensuite les (con)sidérer, évaluer, jauger, les teinter de l’appréciation.
Ainsi la pesanteur est devenue clarté, par l’espace mis entre les cellules
la sensation a rencontré le besoin, et le corps s’est mis à disposition
le sommeil s’est lové dans la tête
Une phase du mouvement à l’encontre de l’autre phase, ouverture et repli, extension puis relâchement
le froid s’est éloigné à petit feu
de respiration
la torsion a rencontré le sol
pour s’y dissoudre
le genou douloureux et l’humidité des globes oculaires ont dialogué
de très beaux bâillements ont permis au corps de recevoir la lumière
ce corps s’est mis à emplir la salle
Se fondre au sol
puis vouloir lui échapper
en ne gardant que deux points de contact, puis un
coexistence du chaud et du froid
qui ne fait pas du tiède
mouvement statique pour réchauffer les pieds contre toute apparence
Puis cette sensation de naître au sol comme on naît de sa mère
les mouvements pour la piéger étaient là pourtant pour l’éprouver
mais toujours la terre accueillait cette naissance de ses bras aimants
déjouant la vrille lombaire
Quand le ciel fait l’amour à la terre
Vivre en poésie, c’est prolonger notre perception du réel
dirait Eugène Guillevic
Coexistence fut le thème sensitif, mais il eut de la concurrence
superposition, ambivalence, alternance, concordance des relations humaines
avec cette question :
comment chercher une sensation agréable que je ne construise pas ?
ou, comment sortir du vivre comme mémoire
et s’apercevoir qu’on peut amener la tête vers le sol sans dommages, défaire l’appréhension des appuis
Avoir faim en arrivant et se nourrir de cette attention à la danse
puis finir avec la chaleureuse indifférence entre le lapin et le brin d’herbe
Cela méritait une improvisation, nous n’avons eu droit qu’à une seule
Ce furent les courants chauds et froids, à la rencontre des vents solaires (David Hykes)
spirale descendante vaillamment combattue
ou joliment épousée, toute résistance consommée
le gros lapin est revenu faire des tours autour du brin d’herbe
mais la peur ancestrale de l’incertaine rencontre
a rendu vigilant le brin d’herbe
besoin de prouver qu’il existe pour que l’autre le sache (sans le boulotter ?)
rencontrer l’autre sans être en vrac
L’autre va assumer c’est sûr… la collision est façon de rencontre
entrer dans le champ de l’autre
avec l’envie irrépressible de mettre le bout du bâton
dans les rayons de la roue qui tourne
anticiper l’appréhension
qu’est-ce qui fait qu’à un certain moment, il « faut » la rencontre
le désir organique loin de toute velléité
dans cette attention flottante au monde
comme fétu de paille voguant au gré des flots marins
se trouver face au miroir à travers le rideau
skyper et découvrir enfin les visages en s’en approchant
entrer en relation
c’est peut-être permettre l’amplification de la perception des sensations
Les enfants sont bel et bien arrivés à 13H pour préparer leur spectacle
aussi avons-nous dû migrer
Ripailles chez notre hôte
avec la saveur des relations
et ces quelques poèmes, lus entre deux bouchées de brin d’herbe
puisque le lapin n’a pu résister
finalement
Errer
Elle va elle va
La remuante vie
Distançant nos frictions
Devançant tous nos rêves
Tandis que nous errons
D’ébauches en ébauches
Fabriquant sur l’écorce du monde
De frêles abris
Tandis que nous rôdons
Vers l’incernable issue
Mendiants d’éternité
Et de terres mal promises
Leurs peurs parfois nous déportent
Vers de douteux appuis
Nous enferment parfois
En de sombres bastilles
Sans fenêtres sur l’espace
Sans passage vers autrui.
Rencontres
Elle rencontra ce printemps-là
Plus précoce qu’aucun autre
Et s’allia aux bourgeons
Avides de renouveau
Elle rencontra cette femme-là
Plus meurtrie qu’aucune autre
Partagea son désert
Sans gerbes et sans oiseau
Elle rencontra cet enfant-là
Plus alerte qu’aucun autre
Fugua vers ses jardins
Qui devançaient les mots
Elle rencontra cet homme-là
Plus clair qu’aucun autre
qui ranima l’espoir
Enfoui sous les lambeaux
Elle rencontra cette mort-là
Plus clémente qu’une autre
S’inclinant en silence
Lui remit son fardeau.
Andrée Chedid, « Au cœur du cœur »
Et puis cet extrait :
« Là où croit le pire, croit aussi ce qui sauve. »
Andréine Bel
d’après les retours de : Andréine B, Bernard B, Catherine, Catherine, Johanna B, Minh N‑G, Philippe A, Maritza S.
Article créé le 16/02/2020