Ateliers Lambesc

Nounours dans sa bulle


Danse forum
Comptes-ren­dus des ate­liers
Lam­besc

!!Nou­nours dans sa bulle – 15 avril 2006

Nadine Gar­dères :

(…)A la pause, nous par­lons du Théatre-forum du same­di pré­cé­dent à Lar­diers où nous étions tous les cinq. La troupe : « La pluie d’idées » était venue jouer leur créa­tion pour l’Atelier Nomade mis en place par Elsa, et l’atelier de Danse-forum était convié à y par­ti­ci­per aus­si en tant que spec­tac­teurs.

De cette dis­cus­sion res­sort le « pro­blème » de Nou­nours, un per­son­nage de cette pièce, qui vit dans son monde et mani­fes­te­ment de façon pas très heu­reuse ; plu­sieurs per­sonnes avaient vou­lu le « tou­cher » sans y par­ve­nir du tout. Nous déci­dons de repro­duire cette situa­tion en danse forum.

« Nou­nours » donc, est dans sa bulle, pas vrai­ment pro­tec­trice en fait puisqu’il faut sans cesse la construire et la recons­truire à l’aide de gestes qui en deviennent répé­ti­tifs et sté­réo­ty­pés. C’est du bou­lot, de l’énergie, du temps, et rien de ce qui est à l’extérieur ne l’intéresse ; il ne voit rien au-delà de ses propres gestes.

Il y aura une grande quan­ti­té de ten­ta­tives de rap­pro­che­ment, mais aucune ne marche : la per­sonne se rap­proche trop vite, ou l’intention est per­çue et fuie par Nou­nours, qui se sent agres­sé. Même le domp­tage est envi­sa­gé ! et ne « marche » pas, Nou­nours se sen­tant plus agres­sé que jamais… Ah non ! pire encore peut-être, l’agression fron­tale : Nou­nours se retrouve immo­bi­li­sé de force sous des caresses… Hor­reur ! Quoi encore ? Lors­qu’ il se passe quoique ce soit loin de Nou­nours, il ne se sent pas concer­né. Une seule ren­contre fur­tive a lieu à la faveur d’un contact impré­vu…

Mais c’est fina­le­ment avec la der­nière pro­po­si­tion qu’il va enfin se pas­ser quelque chose. C’est un oiseau bles­sé qui tombe lit­té­ra­le­ment sur Nou­nours. Celui-ci se sent dans un pre­mier temps per­tur­bé, mais voit vite qu’il n’y a aucune inten­tion vers lui de la part de cette chose, qui semble là vrai­ment par hasard, et en souf­france. Alors Nou­nours se rap­proche de l’oiseau et se colle à lui, ins­tinc­ti­ve­ment. L’oiseau s’apaise peu à peu. Pour Nou­nours il se passe là quelque chose d’important. Il y a une ren­contre. Puis l’oiseau s’agite à nou­veau, semble deman­der autre chose, et Nou­nours tente à chaque mou­ve­ment de com­prendre cette demande, tout en recom­men­çant à redé­fi­nir son ter­ri­toire par ses gestes, de peur tout de même d’être enva­hi sou­dain.

L’oiseau tend la main (eh oui…) et Nou­nours ne sait pas s’il doit la prendre, il craint d’être pris, alors il va la tou­cher quand même mais de sa tête. Il veut gar­der un contact tou­jours avec ce corps, il se méfie mais ne veut pas par­tir, il se sent atti­ré par les mou­ve­ments de détresse et aus­si par la cha­leur de l’oiseau. Il ne se sent pas à l’aise, il ne sent pas « bien », mais en tout cas il y a évè­ne­ment.

Je suis encore dans les sen­sa­tions de cette danse forum qui a été riche et intense.
N’oubliez pas d’apporter toutes vos pré­ci­sions !

Andréine Bel :

Le per­son­nage de Nou­nours était replié sur lui-même, comme engour­di. Les solu­tions ten­tées pour le faire sor­tir de sa bulle étaient directes ou plus sug­gé­rées, pas­sa­gères, mais elles n’ont rien don­né. En vrac : se mettre à son niveau, imi­ter (épou­ser) ses mou­ve­ments et sa pos­ture près du sol pour ten­ter de l’apprivoiser, vou­loir le domp­ter en uti­li­sant la patience et la non-agres­sion, cher­cher à le séduire en l’interpellant avec le regard, atti­rer son atten­tion, le contraindre en l’immobilisant par contact phy­sique puis le cares­ser et recom­men­cer dès qu’il cher­chait à s’échapper.

Je n’ai pu m’empêcher de me dire que peut-être, en lui don­nant tout sim­ple­ment la main, cela irait tout seul… mais cela aurait été pro­ba­ble­ment un peu « mira­cu­leux ».

L’intervention per­son­nelle ne don­nant pas de résul­tat, il a été envi­sa­gé une inter­ven­tion exté­rieure, comme un cata­clysme natu­rel par exemple, enfin quelque chose qui fasse sor­tir Nou­nours de son iso­le­ment. Mais dans la danse forum encore plus qu’en théâtre forum, nous ne pou­vons comp­ter que sur nous-mêmes (pas de décors, pas d’objet sug­gé­ré, pas de paroles arti­cu­lées, bien que cela méri­te­rait d’être dis­cu­té…)

Jusqu’au moment où l’une d’entre nous « tenait la solu­tion ». Elle n’a rien révé­lé de ce qu’elle vou­lait faire.

J’ai vu se dérou­ler devant mes yeux ce que Delas­sus appelle « rame­ner la per­sonne dans le don » (Psy­cha­na­lyse de la nais­sance, Ed. Dunod). Des mères et des pères qui n’arrivent pas à entrer en contact avec leur bébé, au bord du sui­cide ou avec des idées de meurtre, sont accueillis dans cette cli­nique. Ame­ner la per­sonne dans le don, quand elle en est sor­tie – ce dont elle se culpa­bi­lise – c’est l’essentiel du « soin ». Le don est gra­tuit, n’engage pas de dette (au contraire du cadeau), il y ait un « retour » ins­tan­ta­né, une recon­nais­sance de l’autre et il fait renaître les êtres à la « socié­té du don ».

Sur le fonc­tion­ne­ment :

Pen­dant une Danse forum, il y a les consignes que l’on crée sur le moment en fonc­tion du thème choi­si : le rôle de cha­cun, la mise en scène et la cho­ré­gra­phie, puis on essaie de s’y confor­mer, tout en pre­nant toute la liber­té néces­saire, lorsqu’on en sent le besoin et la per­ti­nence, avec un droit abso­lu à l’erreur.

Mais peu à peu, par l’expérimentation, des règles ou « consignes trans­ver­sales », pour reprendre le terme de Johan­na et Nadine, plus géné­rales et pérennes, sont en train d’émerger, met­tant en place une trame sur laquelle on tisse la danse forum.

Deux de ces consignes trans­ver­sales ont vu le jour lors de cet ate­lier, bien qu’elles res­tent à être tes­tées exten­si­ve­ment :

1 – Lais­ser la pos­si­bi­li­té aux spec­ta­dan­seurs de se dépla­cer (se lever ou chan­ger de place) pen­dant le dérou­le­ment de la danse, si leur visi­bi­li­té n’est pas satis­fai­sante.

Le mou­ve­ment des mains des deux dan­seuses sur la fin a échap­pé aux spec­ta­dan­seurs qui étaient de face, alors que le joker, de côté, avait pu voir com­bien ces mou­ve­ments, pour infimes qu’ils soient, avaient leur poids dans ce qui se jouait entre ces deux per­son­nages. N’ayant rien vu de cela, les spec­ta­dan­seurs ne pou­vaient guère être concer­nés par le dou­lou­reux com­bat qui était en train de se jouer : accor­der sa confiance ? jusqu’où ? com­ment ? Nous en avons conclu que c’est « comme dans la vie ! »: tout dépend de l’angle de vue. Si on ne voit rien, on n’est pas mis en mou­ve­ment…;-)

2 – Que le spec­ta­dan­seur qui pro­pose une inter­ven­tion puisse dire ou ne pas dire ce qu’il va faire sur scène.

On pour­rait rajou­ter ce qui s’est dit lors des ate­liers anté­cé­dants :

3 – Que le spec­ta­dan­seur puisse entrer dans la scène quand il en sent le besoin et la per­ti­nence, sans avoir à arrê­ter le dérou­le­ment de la danse.

4 – Qu’il puisse entrer sur scène par le fond, côté cour ou côté jar­din, pas for­cé­ment par le devant de scène.

D’autres consignes trans­ver­sales déjà explorées ?

Article créé le 16/02/2020

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