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!!Trouver sa place – 29/1/12
Atelier danse forum de Forcalquier, 29 janvier 2012
«Trouver sa place » (c’est la deuxième fois que ce thème a été choisi en danse forum)
Plusieurs revenantes, après des mois, même des années d’absence, chouette ! Nous étions 10, avec la petite Thalia qui a désormais 11 mois et qui en était à sa troisième danse forum ! Elle était notre maître dès le début.
Nous n’avions pas de thème réflexif. Au début : un point de tension à la nuque, des grosses fatigues après la nuit du samedi soir en fête, des pulsations fortes en plaquant le corps au sol, des fourmillements aux mains et aux pieds, en passant par un point de chaleur au cœur et un autre de pincements à l’épaule, jusqu’à la sensation de tranquillité et de poids qui se dépose sur la terre et les chantonnements tel un petit oiseau nommé Thalia. Assez rapidement a émergé le thème : « trouver sa place.«
Certaines faisaient un lien entre trouver sa place en passant par le bassin – ancrage, centrage – d’autres par le poids, – se déposer là où on sent que c’est bon pour nous. D’autres ont fait remarquer que « trouver sa place » était déjà beaucoup demander, et auraient préféré le thème « chercher sa place ». Nous avons donc opté pour le frottement entre « chercher » et « trouver ». Comment je cherche « ma » place, comment je m’y prends, qu’est-ce qui m’appelle pour que je m’y mette ? Qu’est-ce qui m’indique que je l’ai trouvé ? Comment j’habite cette place, qu’est-ce qui me fait rester, partir, changer ? C’est quoi « ma place », « sa place » ? Vaste chantier !
En deux longues improvisations les fils se sont déroulés et entremêlés. Au début, un peu chacun/e dans sa bulle, parfois à deux, puis, on ne sait pas par quel mouvement, quel souffle, mot ou chant est parti l’impulse pour resserrer les liens entre plusieurs danseurs, telle une chorégraphie. Sur une musique chamanique mexicaine, soudainement, une voix s’élève, tantôt un chant, tantôt des mots déposés sur les corps en mouvement, du roucoulement, grincement, vocalises, cris, vent … poésie volatile se faufilant entre les corps.
On s’en saisit, se laisse porter, les emporter dans sa danse, des souvenirs émergent, – on a déjà connu ça quelque part, une amie, un morceau de vécu. Une mère lionne joue avec son petit, les danseurs virevoltent autour .… puis le souffle de la flûte – j’arrête la musique -, les mélodies et les sons nous submergent, nous enveloppent, nous emportent ou alors, … nous clouent au sol… Comment trouver sa place dans une telle plénitude, une telle épaisseur ? … On est au coeur du thème ! Presque tout le monde s’y était mis, y compris une nouvelle danseuse, timide au début, mais voilà, certains étaient freinés par ce tourbillon. Où trouver une faille, un espace pour entrer dedans ? Un silence ? Un trou ?
Qu’est-ce qui fait que j’ai l’impression du « trop », alors que pour d’autres ce n’est pas assez ou juste bon ? Le retour verbal nous a aidé à nous ajuster, parfois on doit passer par la parole pour arriver à comprendre ce qui se passe pour chacun/e.
Il nous a rendu plus attentifs. Plus sensibles.
La deuxième impro est partie sur le chant du contre-ténor Andreas Scholl, où l’espace scénique est resté pratiquement vide, puis a accueilli deux danseuses sur un chant grec. Grande intensité, grande émotion. Est-ce que ce vide préalable aurait augmenté l’intensité d’après ? Un poème de Paul Eluard. Un mot est soufflé dans l’espace : Sauvage… sauvage… en tout cas c’est tout ce que j’ai entendu à plusieurs reprises et cela m’a inspiré les percussions du Trio Chémirani. Un rythme était donné, tout s’accélère, un animal sauvage dans une cage, allers-retours, enfermement, et tout s’emballe, on court, on marche, deux se tiennent par le regard…puis un silence abrupt et tout s’arrête. (Je n’ai pas tout capté ni en mémoire, tellement c’était rapide et riche.)
Une impression que « ma place » est souvent à l’opposé : si tout le monde est au sol, je me lèverai, la musique est rapide et mes mouvement vont se ralentir au fur et à mesure, et quand tout est lent, soudainement j’ai envie de bondir et m’abandonner à un rythme effréné, puis, parfois un corps, un mouvement, un regard, m’invite à partager du chemin, du rythme, des pas, déposer mon poids sur quelqu’un, ou accueillir son poids sur moi … quel plaisir d’aller avec, d’aller ensemble ! J’y suis, à ma place, dans les différents cas de figure, et elle est en mouvement constant cette place, en recherche, ré-approbation, réévaluation constante, sans pour autant y penser ! Dès que je l’ai « gagnée », ma place, je peux la perdre, veux la perdre, pour en chercher une nouvelle, et la céder aussitôt et ainsi de suite. Elle est très précaire par moments, très fragile. S’enraciner, se fixer, s’attacher ? Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? On aime aussi par moments mais où est la limite supportable, souhaitable ? Puis à d’autres moments, je la perds carrément, la place, quand je lâche mon lien aux sensations et ça me propulse directement en dehors de l’espace scénique. Ca veut dire que ma place est mon lien aux sensations ? Ouuuh là, ça devient compliqué ! Ou très simple. Là on tient une clef en tout cas.
Comment je fais quand je suis touchée par l’intensité entre deux danseurs et j’aimerais en faire partie ? Grande question ! Ma place est où, là ? Comment je m’y prends ? J’y vais franco avec toute ma volonté ? Ou alors, j’essaie de capter les vibrations, les rythmes, les flux et j’adopte et m’approche doucement ? Ou alors j’y vais à la surprise, à l’opposé de ce qui se déroule, ou je me tiens à distance, attentive, toutes antennes dehors, prête à accueillir l’imprévisible …? Comment ne pas s’abandonner soi-même tout en se mettant au diapason avec une personne, un groupe ? Mille manières de prendre sa place, puis d’encaisser des « succès » ou des « échecs », pour rebondir ensuite, encore et encore…
Quel rôle joue le regard là-dedans ? M’aide-t-il a trouver ma place ? Regard périphérique, regard les yeux dans les yeux… Pas évident pour moi, pertinent pour d’autres.
Puis quel repos aussi, d’occuper juste un espace vide ! Sans rien vouloir, laisser les turbulences me tourner autour, juste exister là, maintenant. Puis tout d’un coup, quelque chose arrive, quelqu’un me sollicite. Je prends, ou je laisse ? Décider par rapport à quoi ?
Sacré thème que celui-là. Ca donne envie de l’explorer plus longuement, à plusieurs reprises. En tout cas, je propose de le garder pour le prochain atelier aussi : le 26 février, 14h30 ! Au plaisir de vous y (re)voir !!!
Amitiés,
Johanna Bouchardeau
Article créé le 16/02/2020