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La source, la relation


Danse recherche
Comptes ren­dus des ate­liers
Aix

!!La source/la rela­tion, ate­lier du 24/10/10, Stu­dio For­bin

Cette pre­mière danse recherche autom­nale fut l’occasion d’innover à six autour d’une ques­tion : com­ment uti­li­ser au mieux les talents de cha­cun au sein de la danse recherche ?

Nous avons fait l’éveil des muscles et/ou l’éveil des sen­sa­tions avec cette ques­tion en fili­grane.

Cela a com­men­cé autour de la colonne ver­té­brale et des reins, comme siège d’une force res­sen­tie comme vitale, et à tra­vers le dépliage des couches dou­lou­reuses du « corps qui se retrouve ». De là nous sommes allés à la source, de l’énergie, du mou­ve­ment…, ce fut notre thème sen­si­tif.

Nous avions par­mi nous un conteur : nous avons deman­dé à Phi­lippe Alla­ri de dire ce qui pour lui était le plus impor­tant dans l’art du conte. Je retrans­cris de mémoire, car cette fois j’ai lais­sé mon cahier au ves­tiaire. Phi­lippe s’est d’abord deman­dé d’où venait le conte pour lui, puisque nous par­lions de source. Il nous a dit que l’histoire racon­tée struc­ture le récit pour son audi­toire, mais que l’important, c’est la source de tel ou tel conte. C’est l’histoire qui a créé le conte et influen­cé l’auteur-conteur (Phi­lippe), l’histoire der­rière l’histoire, l’histoire non dite, qui va trans­pa­raître ou se décli­ner sur scène en fonc­tion de l’humeur, du public, de la sai­son… Cette adap­ta­tion simul­ta­née du conte au conteur et au public, c’est ce qui per­met le contact entre tous ces élé­ments, en les met­tant en rela­tion.

Notre thème réflexif était trou­vé : la rela­tion, avec cette ques­tion : qu’est-ce qui entre en jeu pour éta­blir une rela­tion ?

Phi­lippe a pro­po­sé une mise en situa­tion de départ : entrer sur scène en se met­tant en rela­tion avec les autres (par déci­sion ou inten­tion), sinon ne pas entrer, ou bien sor­tir. Mais avec une contrainte : cette rela­tion ne doit pas per­mettre le contact direct.

La rete­nue opé­rée par le non tou­cher a d’abord été posi­tive, créant une ten­sion salu­taire. Le contact s’est éta­bli dans l’espace, mais très vite des simul­ta­néi­tés vou­lues de gestes se sont exer­cées entre les dan­seurs, en miroir, en oppo­si­tion ou en com­plé­ment, et les corps se sont rap­pro­chés par groupes ou en un seul groupe. La ten­sion salu­taire s’est relâ­chée, l’espace n’a pu se struc­tu­rer et la danse nous est vite appa­rue « jolie », mais « plate », sans relief ni sur­prise.

Com­ment gar­der la ten­sion vibrante ?

Nous avons ajou­té une contrainte sup­plé­men­taire : rela­tion aux autres sans contact direct, et à dis­tance. Avec cette nou­velle rete­nue, la ten­sion fruc­tueuse est réap­pa­rue, lais­sant voir des simul­ta­néi­tés invo­lon­taires et impré­vi­sibles de gestes entre les dan­seurs, comme autant d’émerveillements fugaces. Mais assez vite néan­moins, le corps s’accommode des nou­velles contraintes et les détourne en les accli­ma­tant à lui. L’espace, un temps vivant, s’est de nou­veau apla­ti d’insignifiance.

Aus­si sommes-nous allés encore plus loin dans la contrainte, en la pla­çant aus­si dans le temps : entrer en contact avec les autres sans se tou­cher, à dis­tance dans l’espace mais aus­si dans le temps. Cela revient, a résu­mé l’une d’entre nous, à choi­sir à chaque ins­tant où, quand et com­ment je veux inter­agir. Quelle liber­té !

Sauf que la liber­té a un prix, celui de se retrou­ver iso­lé si on perd de vue de le contact dans l’exercice de la liber­té. Et celui qui se sent iso­lé, voit ceux autour de lui iso­lés, quand bien même ils sentent un lien puis­sant s’exercer entre eux !

C’est pour­tant dans cette extré­mi­té où se trouvent les corps en contact libre que des petits miracles se sont pro­duits : une intel­li­gence du corps mal­gré lui s’est mise en route, capable de tout inté­grer du temps et de l’espace, fai­sant du hasard des mou­ve­ments et des ren­contres un allié majes­tueux et créa­tif. Pas d’acclimatation, mais une vigi­lance de chaque ins­tant face à un risque vécu et assu­mé, le risque de vivre à plu­sieurs.

Cette danse recherche a secoué le coco­tier dans le bon sens, avec ces ques­tions aux­quelles nous nous sommes enfin atte­lés. Je les déve­loppe dans Che­mi­ne­ment de la danse recherche : « La danse et les autres arts », et dans L’écriture de la danse recherche : « Spé­ci­fi­ci­tés de la danse recherche ».

Andréine Bel

d’après les retours de : Andréine B, Ber­nard B, Marit­za S, Minh N, Phi­lippe A, Christine.

Article créé le 16/02/2020 – modi­fié le 16/02/2020

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