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!!Lien, « le corps plein sans organes » – 13 octobre 2007
Quatre femmes en noir, qui dessinaient leurs gestes sur le tapis vert délimité de rouge.
Les sensations étaient celles de pressions, étirements et picotements, nous avons fait le lien entre elles, le thème a donc été celui du lien.
Ce lien qui assure une continuité entre deux mouvements, entre les mouvements de deux personnes, entre deux personnes…
Nous nous sommes demandées en quoi le « geste pour rien » pouvait rompre le lien, ce geste que l’on fait quand on ne sait pas quoi faire. Le « geste pour rien » n’est pas dans la sensation, il n’a pas de continuité, ni même de lendemain.
Comme le débutant aux échecs qui avance un pion parce qu’il ne sait quoi jouer, le danseur qui « s’essaie » pense que cela n’a pas d’importance. Il n’est rien de moins vrai : son « coup pour rien » va influencer tout le reste de la danse dans la cassure qu’il opère.
Il faudra beaucoup d’effort pour retrouver cette cohésion qui assure la progression d’une œuvre, même improvisée, et regagner l’intensité qui éloigne l’ennui… cet état comble instantanément le vide laissé par le manque de sensations « internes ».
Plonger dans la sensation interne, c’est plonger dans les entrailles du mouvement infiniment multiple qui nous anime. C’est danser avec la plénitude du « corps sans organe qui se dévoile comme pure intensité ».
Les philosophes Deleuze et Guattari ont été les premiers à développer la notion du corps sans organes dans « l’AntiŒdipe » en 1972 et « Mille plateaux » en 1980. Francis Bacon peignait « des corps pleins sans organes », comme « fondement matériel de la manifestation du vivant ».
« Dès le moment où nous cessons de penser par des représentations, les vécus du corps deviennent réels et nous pouvons les considérer comme des faits intensifs du corps vivant » (Raluca Arsenie-Zamfir. Pourquoi le corps sans organes est-il « plein » ?
Journées sur L’Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari, 2 – 3 décembre 2005, Université de Poitiers. Éditions Georg Olms, coll. Europaea Memoria. http://www.europhilosophie.eu/recherche/IMG/pdf/Zamfir.pdf)
Dans le même texte, plus loin :
« Aussi le mouvement productif et désirant de la pratique mondaine, est-il le reflet altéré et fragmentaire d’un mouvement originaire, situé dans le plus profond du vivant. »
Je vois, résumée dans cette phrase, toute notre recherche en danse et nos efforts incessants pour aller de ce mouvement productif et désirant vers un mouvement originaire.
Personne ne s’y trompe, en fait. En regardant la vidéo ce soir, chacune pouvait reconnaître exactement dans quel mouvement elle était, et cela confirmait la sensation qu’elle avait eu sur le moment, d’être dans le productif ou l’originaire.
Et cela aussi :
« Analysant ce corps conçu comme pure intensité, puisqu’il en est « plein », il est assez intriguant de remarquer que cette intensité est égale à zéro. Cela implique que le corps sans organe représente le seul point de départ envisageable, un point immobile et intensif à la fois, par rapport auquel le désir s’exprime au monde. »
[…] « Intensité zéro à partir de laquelle se produisent toutes les autres intensités de l’inconscient. »
Témoignage de cette « éthique nomade », une anémone de mer qui ne savait plus où donner de la tête entre deux danseuses qui avaient perdu la leur. Vous verrez cela en photo dès que Bernard m’aura expliqué comment faire le transfert de la caméra sur l’écran d’un ordi…
Andréine Bel
D’après les retours de : Amanda L, Andréine B, Johanna B, Marie-Aude F.
Article créé le 16/02/2020