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!! Articulation
Compte-rendu de l’Atelier de danse-forum (danse exploration) du 23 février 2014, Forcalquier
Aujourd’hui nous étions une bonne dizaine et ça a été très riche, une fois de plus. Le thème qui a émergé était l’articulation.
Nous sommes parti.e.s ici d’une gorge serrée, là de fourmillements dans les mains et les pieds, des pieds froids, des avant-bras froids, d’une asymétrie, d’une légèreté combinée avec des lourdeurs à certains endroits, la racine des cheveux qui se manifeste et devient racines d’arbre, dont jaillit une forêt. Puis aussi un corps tout en sourire, heureux d’être là. Aussi la différence (pour ne pas dire divergence) entre le haut et le bas du corps.
Sur le Köln-Concert de Keith Jarret nous sommes parti.e.s en exploration, tantôt en se laissant porter par la musique, tantôt en l’ignorant ou la repoussant, ou en y picorant de temps à autre. Pour ma part, cette sensation de légèreté en contre-point de lourdeurs et/ou d’ancrages et points d’appui m’a « emmenée » à devenir étoile de mer ou poulpe, avec un centre bien tenu et ferme, et des bras voguant dans tous les sens, se déplaçant sur tout le fond de mer, avec des rayons de soleil transperçant l’eau. Bien sûr, là, c’était l’imaginaire qui l’avait emporté (comme pour l’arbre et la forêt) mais néanmoins, la connexion aux sensations était maintenue. On a terminé cette exploration avec plusieurs couples qui s’étaient trouvés dans des mouvements ou postures semblables ou parallèles, sans forcément s’en rendre compte. L’ouverture aux autres s’était produite sans que j’en aie parlé en amont. D’autant plus intéressant !
En quelques minutes, le thème était trouvé, entre haut-bas, légèreté-lourdeur, asymétrie, chaud-froid : comment ça s’articule tout ça ? Et d’ailleurs, c’est quoi une articulation ? (Saviez-vous que l’être humain en en a environ 400 ? Rien que sur la tête, il y en a environ 80, entre la cage thoracique, la colonne vertébrale et le bassin, il y en a environ 190, sur les membres inférieurs et supérieurs, environ 40 chacun.)
Il ne nous a pas fallu longtemps pour partir en impros, plus différentes les unes que les autres ! La première a débuté avec une série de courts poèmes, qui, sans avoir été choisis spécialement, se répondaient les uns aux autres. Les courts instants de flute traversière de G. ponctuaient les intermèdes ou, peut-être, articulait chaque poème avec le suivant… ? Et la danse était partie sur notre propre musique des corps, voix, poèmes et instruments, jusqu’au moment où quelqu’un a mis « In an automnes garden » de Takemitsu, sans qu’on s’en aperçoive – en tous cas pas moi. Finement articulé – encore une fois.
D’après les spect-acteurs.trices un grand fluide, une succession de postures, rencontres, mouvements ont été remarqués, comme s’ils avaient été prévus, voulus, et c’est par le fait qu’ils ne l’ont pas été, voulus ou prévus, qu’ils ont pris autant plus de force. Etait-ce à cause du thème choisi ? Ou pas ?
Au juste, donc, c’est quoi une articulation ? Deux lignes – os- qui se rejoignent autour d’un espace, une interface, tenues par des liens, des fibres, des tendons, baignés dans du liquide, ou pas, … là agrémentés par un ménisque, une rotule, là juste un ligament, un disque … se donnant mutuellement la possibilité de partir dans des sens divers, de se mettre ou de rester en mouvement … Ou alors deux corps qui s’imbriquent pour un instant, cheminent ensemble, avec ou sans se toucher, et qui se séparent ensuite… Ou encore un point fixe, un mouvement constant, un ancrage qui donne un repère et qui me permet de virevolter autour… Ou des contraires qui s’attirent et se complètent… ou pas, car là peut se produire la désarticulation aussi, quand ça ne « colle » pas, ça va pas ensemble, ça s’entrechoque… Intéressant aussi ! Voir le dernier atelier, sur le thème du « noeud », avec cette collision entre ma tête et la mâchoire de l’amie – pourquoi c’est arrivé ? J’avais lâché mon lien à mes sensations et était partie dans le mental, de vouloir faire un bond sur une note musicale précise ! Et ça a fait « boum » ! Inévitablement. Quand le mental se faufile entre des corps reliés aux sensations, ça ne peut pas coller. Et ça peut faire très mal. Des mouvements, rythmes et actions peuvent être très différents et même contradictoires, mais il faut redoubler d’écoute, d’attention.
N. a remarqué qu’une sorte de confiance, de tissu (je ne me rappelle pas du mot exacte) d’écoute et d’attention s’était étendu dans l’espace scénique (et dans l’espace tout court), qui permettait d’y évoluer sans peur, juste avec ce que mon corps me fait faire, en lien avec moi-même et avec les autres.
En tout cas, très instructif tout ça, puis des beaux moments d’impros sonores, de lectures chuchotées, à plusieurs voix, plusieurs textes simultanément, sur des registres différents – un grand moment !
Puis le corps en sourire a tenu bon du début à la fin, sans que cela soit jamais devenu niais ou redondant, car en même temps totalement ancré. Rare cadeau !
Merci à toutes et tous pour ce bel après-midi !
Pour le 23 mars, je trouve que danse forum et élections municipales (dans la salle au-dessus de nos têtes et nos corps) ça ne s’articulent pas très bien, et je proposerai donc, si le temps le permet, de sortir danser dans la nature ou s’il ne fait pas beau, de trouver une autre salle. Qui a une idée ou une possibilité ? On verra.
À bientôt en tout cas, amitiés, Johanna
Article créé le 16/02/2020