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!!« Eclosailles » – 22/4/12
Compte-rendu de l’Atelier de danse-forum (danse exploration) du 22 avril 2012, Forcalquier
«Eclosion, éclosailles«
Nous étions onze. Un petit vent frisquet nous a retenu d’aller danser dans la nature. Nous avons donc préféré les quatre murs sécurisants de la salle de danse avec ces trois fenêtres à barreaux que le soleil dessinait sur le plancher en bois. Trois espaces chauds et lumineux qui nous ont attiré comme les lampes les papillons de nuit.
Beaucoup de fatigue dans les os, des tensions, raideurs, fourmillements, douleurs, l’hiver quoi … Puis, on part dedans. Certaines s’endorment, se posent, d’autres s’étirent, s’allongent, se rallongent, balancements, ondulations, immobilités, détentes, ouvertures. Sans en parler longuement, le thème de l’éclosion vient très rapidement. Ahhh, on n’aurait pas pu trouver mieux pour ce moment d’entrée en printemps !
N. explique que pendant l’échauffement, elle qui pourtant a été très fatiguée, en se posant a senti parcelle par parcelle, articulation par articulation se mettre en mouvement, s’ouvrir, se remplir d’un je-ne-sais-quoi, elle s’est sentie éclore et en même temps en retrouvailles avec son corps, trop longtemps oublié, rouillé, en douleur … C’est elle qui nous a sorti ce mot : éclosailles. Eclore et retrouvailles. D’autres avaient expérimenté des choses similaires, un va et vient entre recroquevillement, enfermement et expansion, ouverture.
Et nous voilà lancé(e)s à expérimenter en deux improvisations longues ce thème (la troisième a été empêchée par un délégué de la mairie qui est venu nous dire qu’on faisait trop de bruit, juste en dessous de la salle où le dépouillement des bulletins de vote des présidentielles venait de commencer !)
Une première impro s’est faite sans espace scénique tracé, sur le Köln-Konzert de Keith Jarret puis une autre sur une musique shamanique sud-américaine. Pratiquement tout le monde debout, avec une formidable envie de bouger !
Puis on a mis en place l’espace scénique. A chaque fois c’est frappant, la différence d’intensité qu’il y a entre les deux modes, avec toutes les contraintes que cela implique (oser entrer, dépasser la bordure, être regardé(e) par les autres, etc.) Puis l’éternelle discussion sur la musique, trop intrusive par moments, pour certains. Choisir entre la « laisser » de côté quand elle nous gène, ou alors aller l’éteindre ou bien partir dessus, se laisser porter par, comme un partenaire ; tout est possible. Dans les impros qui ont suivi heureusement il y avait la flûte de G., les voix de nous tous et toutes, les paroles des poèmes (Baudelaire, Eluard et Haikus) et les percussions de nos pieds sur le parquet (pauvres dépouilleurs de bulletins électoraux !)
Comment se déplie un bourgeon, une capsule de coquelicot avec ses pétales fripés qui un par un trouvent leur chemin pour se déployer, vibrer dans le vent et briller dans le soleil, comment jaillit une tige d’une racine ou d’un bulbe, s’ouvre une graine dans la terre humide ? Des micro-mouvements, cellule par cellule qui se met à bouger, s’active, se connecte, se multiplie. Qu’est-ce qui la pousse ou la tire ? La chaleur ? L’eau ? La lune ? Le soleil ?… ahhh, l’origine du mouvement ! Quelle question ! Et pour nous, qu’est-ce qui fait que je me lance, que j’avance, me lève, que je tends vers … quoi au fait ? Une musique, un mot, un bruit, un geste, un mouvement, un espace qui m’appelle, une main qui m’amène, un corps qui m’attire, une ombre qui frétille. Sais-je la voir, l’entendre, le saisir, la sentir ou le laisser consciemment ou instinctivement de côté, tracer ma route par ailleurs ?
ensemble à petits pas
le tour de son jardin
… de plus en plus sauvage
Merci N. de nous avoir lu et relu ce Haiku sur tous les tons, rythmes, ponctuations, couleurs et registres et de nous avoir permis de devenir jardin, champ, garrigue, herbe folle, arbre, forêt vierge, lionnes, chats et serpents, scarabées, asticots, ruisseau, vent, cri… pour finir en un trio puis duo, puis solo, fragiles, pleins de tendresse et de douceur autour d’un tout petit être en devenir, dans le ventre de sa mère. Eclosailles, le mot juste, tombé à pic. Des nouveaux possibles renouvelés perpétuellement. En tout cas, tant que dure le printemps et qu’il revient à chaque fois, même si on n’y a plus cru ! Quand même un chouette truc, le printemps, cette roue qui tourne, ce cercle infini…
Johanna Bouchardeau
johanna.bouchardeau@gmail.com
6, rue St. Mary
04300 Forcalquier
tél : 0033/(0)4 92 75 17 36
Article créé le 16/02/2020