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!!Entre sensations et émotions – 1° mars 2008
Andréine Bel :
Nous étions trois comme sœurs, l’une pleurait, l’autre consolait, la
troisième geignait ; la première ouvrait des espaces de bâillement, la
deuxième concoctait des ouvertures dans la cage thoraxique, la
troisième maintenait une élasticité sous l’écrasement.
A nous trois, nous en sommes venues à l’espace qu’il peut y avoir
entre sensations et émotions. Les cloches à peine audibles d’Arvo
Pärt dans Tabula rasa ont fait déferler les souvenirs, entre
cauchemars et apaisement. La berceuse de Chopin nous a achevées de
bonheur. Il n’y avait qu’à !
Nadine Gardères :
Les sensations à la base comme un flux continu ; l’émotion comme une vague ; on ne s’éloigne pas de nos sensations en ne se laissant pas emporter par la vague ; la vague peut se vivre pleinement sans faire tempête.
La tempête comme une sorte d’inflammation ; s’inflammer, et ce faisant, s’éloigner de nos sensations, en croyant y être pleinement puisque c’est intense. C’est bon l’intensité… Comment s’enflammer sans s’inflammer ?
Des images s’imposent, les laisser nous traverser, elles provoquent l’émotion ; si on s’arrête sur elles, si on en suscite le déroulement, l’émotion enfle. On construit l’émotion, son déroulement dramatique.
Se laisser aller à cette construction n’est pas forcément une mauvaise chose, ne nous éloigne pas forcément des sensations. Cela peut nous en rapprocher, un chemin pour les retrouver.
Un certain accompagnement des émotions peut favoriser le drame. Cela éloigne la personne de son accès à l’autonomie des réponses à ses besoins, car un drame pour se jouer doit avoir un public.
Il y a un accompagnement des émotions qui ne favorise pas l’inflammation, qui refuse le drâme. L’émotion se vit alors toute proche des sensations, les mouvements qu’elle suscite étant liés aux besoins. Rester au niveau des mouvements, même traversé de vagues.
Les mouvements de la vie sont une danse délicate.
Bernard Bel :
Ce que tu écris ci-dessus me fait penser à la « tragédie » telle que l’entendaient Lucrèce et Spinoza : « Ni rire ni pleurer mais comprendre », autrement dit un dépassement de l’optimisme et du pessimisme au profit de la réalité, qui (pour eux) n’est autre que le monde sensible, son immanence.
Ce que tu appelles le drame serait une émotion qui s’éloigne du réel et qu’on cultiverait (ou subirait) en rupture avec la sensation et le mouvement qui en ont été la source et le vecteur…
Ecrit d’après les retours de : Andréine B, Johanna B, Nadine G.
Article créé le 16/02/2020