Danse forum
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!!«Eveil des muscles » versus « éveil des sensations », 7 mars 2009
Nous n’avions pas de terme pour désigner l’échauffement qui est le nôtre en danse forum – alors que « l’éveil des muscles » a été adopté depuis presque un an pour désigner notre échauffement en danse recherche.
« Echauffement sensible » m’avait été soufflé par Leonardo et dans un sens il convient assez bien, car il désigne les sensations à l’origine de l’échauffement, qui le conditionnent. Mais que serait un échauffement insensible ? Les types classiques d’échauffement ?
Cette remarque mise à part, le terme échauffement sensible a l’avantage d’être assez générique pour avoir à être spécifié ensuite.
Pourtant, hier, lors de notre préparation à la danse forum, c’est venu comme un ru en crue.
Un terme a fini par réaliser entre nous (qui étions cinq hier), pour l’instant, une unanimité qui ne se laisse pas faire quand-même, qui garde une petite réserve et demande à réfléchir. Bref ce terme demande encore réflexion, mais le voici : « l’éveil des sensations ».
La première objection a vite fusé :
On n’a pas besoin de réveiller les sensations, elles sont là, elles s’imposent à nous !
Réveil et éveil sont différents : on se réveille d’une bonne ou mauvaise nuit, d’un sommeil lourd ou léger, mais on s’éveille au jour, à la fraîcheur de l’air ou à la douceur de la nuit.
Qu’est-ce que la sensation, m’a‑t-on demandé récemment. Oui, la question doit être posée, quand depuis l’enfance on apprend à s’en méfier, à les ignorer ou à les contrôler pour les modifier (tension, crampe, engourdissement etc.)
En parlant, nous réalisons que toute sensation peut être vue d’un point de vue physique ou mental. Il nous faut donc apprendre à distinguer sensation et émotion. La sensation part du physique pour aller vers le mental (interprétation, ressenti), alors que l’émotion part du mental pour aller vers le physique (manifestations psychosomatiques).
Deuxième objection toute aussi vive :
On n’a pas besoin de diriger les sensations, puisque justement en danse forum on les laisse se déployer.
L’éveil est un accueil, on reçoit une sensation, on la laisse œuvrer en nous. Le réveil lui, serait en effet plus volontaire, dirigiste.
Retour sur le tapis pour voir venir. Alternance pour moi de « l’échauffement sensible » de danse forum, avec « l’éveil des muscles » de la danse recherche.
Comparaison immédiate et à chaud, point par point.
- L’éveil des muscles démarre avec un muscle, qui attire l’attention et sollicite la personne pour répondre à ses besoins. Le mouvement chemine alors le long des chaînes musculaires.
La peau et les os deviennent concernés, la chair et les fascias. Le mental et l’émotionnel embrayent, des revécus douloureux font surface, se guérissent éventuellement de par le regard neuf et plus mature car postérieur à l’événement. Des souvenirs émergent et embrasent le corps.
Mais de démarrer avec quelques fibres de muscle, cela permet d’aller au plus simple, déjà infiniment complexe. Et puis les muscles, c’est ce qui permet le mouvement, interne comme externe, celui des entrailles comme celui des jambes, celui de la vie.
L’éveil des sensations sert d’échauffement en danse forum. Il se fait à partir des sensations physiques (pour mieux faire la part avec les émotions) et globales de l’ensemble du corps. Parmi ces sensations, une va s’imposer et nous solliciter, une qui demande une attention particulière. La prendre en compte va resurgir sur les autres sensations, physiques et émotionnelles.
- Le muscle peut être excité ou amorphe, dur ou mou, chaud ou froid, nous l’accueillons inconditionnellement, comme lors d’un rendez-vous amoureux.
La sensation de même. Son éveil la révèle douce ou terrible, nous l’acceptons telle quelle, rien à jeter dirait Brassens.
- Le mouvement musculaire se déploie selon ses propres besoins et décisions, nous nous mettons à sa disposition, nous l’accompagnons sans le juger, sans le diagnostiquer, sans le diriger. Nous laissons œuvrer le mouvement en nous, qui se rééduque de lui-même, en travaillant l’organisme.
La sensation éveillée va se déployer et souvent se modifier peu à peu.
- Quand la volonté prend le dessus pendant l’éveil des muscles, comme pendant l’éveil des sensations, l’organisme envoie immédiatement des signaux : il s’ennuie, se refroidit, se met dans une position intenable, nausées, battements accélérés du cœur sont possibles. Dès que l’on revient à l’involontaire et au spontané, le corps se « retrouve » et la personne devient attentive, curieuse et intéressée à ce qui se passe en elle.
- L’éveil des muscles se reconnaît au fait qu’il échauffe le corps et qu’il fait du bien, qu’il donne du plaisir (du fait de la mise en action des muscles lisses ?).
Parallèlement, les sensations éveillées vont être apprivoisées et cheminer à leur rythme, le regard est apaisé, même quand les sensations à l’œuvre sont difficiles à soutenir, nous en avons souvent fait l’expérience.
- La réconciliation avec son corps va permettre une créativité qui nous dépasse, car nous sortons des habitudes gestuelles subies. Les mouvements sont presque toujours étonnants pour soi. C’est ce qui rend cet échauffement si créatif en danse recherche.
La réconciliation avec ses sensations est elle comme la clé d’Alice au Pays des merveilles, elle ouvre sur un monde foisonnant et étrange. C’est en cela que ce type d’échauffement est précieux en danse forum.
Tous ces parallèles entre l’éveil des muscles et l’éveil des sensations se rejoignent à l’horizon
L’éveil des muscles éveille les sensations et vice versa, au fur et à mesure que l’on chemine. Un peu à la manière des rails d’un train qui se rejoignent sous notre regard pendant que l’on avance.
Entre besoin et désir, entre volontaire et involontaire, entre conscient et inconscient, l’éveil et son corollaire le spontané représentent une porte d’entrée pour la danse, pour l’art en général.
Et ce qui est peut-être le plus important pour moi : ils n’éloignent pas pour autant l’artiste des techniques volontaires, ni, en ce qui concerne la danse, de la chorégraphie. Au contraire, ils en facilitent l’accès, comme en témoignent nos amis Emma et Leonardo.
Nous avons fait un détour par Spinoza, car s’accepter comme on est ne veut pas dire être fataliste et ne pas bouger ni progresser, mais je vous dirai cela plus tard…
La plume est à vous, pour réagir et dire ce que vous pensez de tout cela !
Andréine Bel
d’après les retours oraux pendant l’atelier, de : Andréine B, Céline L, Johanna B, Laurent B, Nadine G.
Article créé le 16/02/2020