Danse forum
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!!L’articulation – 27 juin 2010, studio Forbin, en préparation du festival de Forcalquier
« L’articulation » a été le thème de cette danse forum au studio Forbin.
Cela avait commencé avec l’articulation des membres : comment les chaînes nerveuses et les articulations permettent à l’éveil des muscles de cheminer dans le corps, selon une logique qui lui est propre. Les mouvements semblent d’abord bien « huilés ».
Puis il y eut les tensions des mâchoires et le déferlement des souvenirs d’enfance : grincements de dents, impossibilité d’élocution, d’articulation des mots et de la pensée. Le thème de l’articulation est venu, selon chacun, comme une incapacité, un vœu ou une recherche.
Nous avons cherché en premier ce qu’était la « non-articulation », mais dès qu’un geste s’inscrit dans l’espace et le temps, il nous a semblé articulé, de travers ou de façon presque inaudible parfois, mais articulé quand-même, avec un commencement, un déroulement et une fin.
Ensuite, nous avons essayé de voir ce qui donnait l’impression d’une articulation entre deux mouvements, entre deux corps, deux espaces, deux idées, etc. Le sens induit ? L’harmonie qui se dégage ? La mécanique bien rodée du passage d’un élément à l’autre ?
Désarticuler : façon de sentir ce qui distingue les fragments, le degré de liberté des uns par rapport aux autres. Ce degré de liberté varie selon les cultures, l’esthétique propre à chacun. En introduisant la notion de poids et de force de retour venant du sol dans ce qui ne se voulait que légèreté et tenue de la figure imposée, la danse contemporaine a donné une nouvelle articulation à la danse.
L’articulation des phrases est faite de conjonctions et coordinations : certes, néanmoins, mais, en outre…
Elle nous a paru se limiter à une justesse contextuelle au service du sens, de l’intelligibilité du texte (gestuel ou oral), incapable de la dépasser sans devenir fastidieuse ou encombrante. Elle semble faite de règles selon des valeurs, des normes et codes culturels que les arts bousculent à loisir. Les ponctuations ont valsé avec la poésie contemporaine.
Il y a pourtant aussi quelque chose d’organique en elle, d’universel, une pertinence et une justesse, comme quelque chose qui s’organise ou censure : les mâchoires se serrent au point que la voix ne puisse plus être émise ni entendue, le corps est raidi ou amorphe au point de ne plus pouvoir bouger, exprimer.
« Il faut mâ-cher les mots pour les ar-ti-cu-ler » dirait Yvonne Beaud, grande dame du théâtre et amie de toujours.
Dans l’articulation, nous avons vu la lisière entre le spontané et le n’importe quoi, entre les différents niveaux de justesse ou absence de justesse, toute relative.
Articuler les rythmes, les énergies, les espaces entre les corps, les entrées, les sorties : l’articulation se situe à tous les niveaux où se porte l’attention.
Finalement, assumer cette relativité de l’articulation nous a paru une bonne façon de la rendre plus souple, plus adéquate à la vérité de chacun.
Le bilan
Articuler oralement le bilan de cette année, fond et forme, est revenu à gratter un peu la surface et voir dessous ce qui se trame, si cela correspond à ce que nous souhaitons.
L’outil danse forum semble être maintenant un outil abouti, donc à double tranchant : soit il devient conventionnel et l’on ne donne pas cher de sa peau, soit il reste créatif et révolutionnaire en cela qu’il arrive à opèrer en soi et en nous un retournement constant et salutaire, inattendu et structurant à la fois. Mais pour cela, il faut qu’il reste un outil de recherche qui se cherche lui-même. Forumiser la danse forum est un exercice qui lui est salutaire.
La danse forum touche le corps, donc l’attitude, donc le comportement, donc l’outil, donc la danse forum et ainsi de suite.
Il a été question quelque part de « fraîcheur de la nouveauté »… La fraîcheur, ce n’est ni chaud, ni froid et ce n’est pas tiède. C’est autre chose, qui circule et vivifie.
Cette sensation en danse forum de ne pas être canalisé de trop, un espace de liberté, une respiration au quotidien, tout cela demande de la vigilance, . Il s’agit « d’ouverture d’une petite porte ».
Articuler le thème fait partie de notre problématique, avec cette façon que nous avons de le laisser en arrière plan, venir nous inspirer, nous travailler, plus ou moins à notre insu. Cela demande une écoute de ce qui veut bien venir, ce qui n’est nullement garanti : ni l’écoute ni ce qui vient… Ajouté à cela l’impression parfois de faire toujours les mêmes mouvements, quelque soit le thème…
Alors articuler deux thèmes et les faire se frictionner : un réflexif décidé en amont (qui émane de notre quotidien et des ses problématiques) et un sensitif (décidé sur le moment, qui émerge de nos sensations lors de l’échauffement), cela est lourd ou enchanteur, cela dépend.
Quant à articuler la problématisation, la pression semble moins forte qu’il y a un temps, mais reste présente : comment dire sans « devoir dire », sans intention parasite. Mais quand la sauce prend – toujours cette histoire de mayonnaise dont il faut doser puis mélanger les ingrédients à la bonne température – la problématisation devient une richesse.
J’ai terminé mes notes sur ces mots articulés : « créer une intensité ».
Andréine Bel,
d’après les retours de : Andréine B, Bernard B, Laurent B, Maritza S, Minh N‑G.
Article créé le 16/02/2020