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!!Le corps et l’espace – 1/4/12
Nous étions six petits poissons d’avril. Nous avions choisi le rapport du corps à l’espace comme thème réflexif.
L’éveil des muscles
a eu besoin de l’éveil des sensations pour pouvoir se déployer et dévoiler notre thème sensitif.
Je crois que pour la première fois, j’ai pu dégager exactement la différence entre les deux pratiques. Dans l’éveil des muscles, on se met à disposition du besoin exprimé par les muscles ; dans l’éveil des sensations, on se met à disposition du besoin exprimé par la sensation, le point de vue n’est pas le même. Selon que l’on est attentif au muscle ou à la sensation, le choix est celui de faire l’éveil des muscles ou celui des sensations. Cela paraît tout simple, mais pour mettre en mots cette simplicité, il m’a fallu toutes ces années.
Lorsque les pieds sont froids, cela peut gêner, jusqu’à ce qu’on les réchauffe en les frottant entre les mains. Mais pour qu’il y ait éveil de la sensation de froid dans les pieds, il faut que le corps dans son entier soit consulté sur sa nécessité d’étirement, vrille, mise en tension etc., qui éventuellement amèneront les pieds à se réchauffer.
Ce matin, la découverte des muscles s’est faite par la prise de conscience de leur substance, le long des os et des articulations.
Aller à fond, au bout du mouvement a donné le thème sensitif des « limites du mouvement », cela tombait bien pour notre thème réflexif du « rapport du corps à l’espace ».
La première improvisation
a commencé par la danse du lézard aux pieds et mains chauds, drôles de mouvements.
Avec la musique de Scelsi, des lignes se sont tracées dans l’espace avant de s’inscrire dans le corps.
Pas de limites ; puis la chute, la violence de l’immobilité, le vide intérieur comme une lumière en volume et une sensation d’emboîtements. Le désir de vie pousse à bouger, et pourtant, il y a quelque chose à découvrir dans un état d’immobilité totale.
Un seul obstacle : la perception que l’on a des autres. Dépasser les limites du corps avec les sons, investir l’espace comme l’écho.
Le rapport au sol a changé, est devenu plus léger, le corps s’est réjoui d’une aisance à s’accorder automatiquement, sans être précautionneux. Une brise de toupie légère a effleuré la peau du lézard.
Les quatre directions ont permis une infinité de mouvements et de positions. Un point peut aller dans tous les sens.
C’est là que nous avons rejoint Spinoza : le sentiment d’exister va avec le sentiment d’infini.
La deuxième improvisation
s’est faite dans l’espace structuré : un mur en fond et trois bordures délimitent la scène, pour faire forum.
La proximité des danseurs modifie leur intériorité, les limites symboliques et les possibilités de rencontre.
Recherche de la trace qu’on laisse quand on n’est plus là, et besoin de savoir ce qui se passe dès qu’on existe : mort et naissance, printemps.
Le spectateur cette fois donna l’image aux danseurs d’un feu qui couve avec de grands yeux.
La limite de chacun, c’est l’interaction avec l’autre.
La troisième improvisation
malgré (ou à cause) des tentatives de rapprochement, révéla l’impossibilité de contact entre les deux danseuses.
Expérimenter le mouvement comme une nécessité de survie, savoir ce que le mouvement nous fait, cela rend sensible à l’incongruité ou à la justesse du contact avec l’autre. Barrières et limites se révèlent, se confirment ou se dépassent, s’emboîtent ou s’évanouissent. Il nous a fallu essayer ce foisonnement.
Le chant a jailli de la bordure scénique, comme une offrande, comme une chaleur.
Le sol est devenu tambour pour animaux à quatre pattes, survolés par oiseau sans proie, devenu arbre, devenu branche, qui fut contactée par main froide… ne pas regarder Eurydice, l’emmener vers la lumière sans se retourner.
L’impro 4 fut notre bilan
La voix a jailli de la bordure scénique, sensations et impressions voguant en mots comme volutes marines autour de nos corps infinis…
Andréine Bel
avec Bernard, Maritza, Minh, Richard, Virginie.
Article créé le 16/02/2020