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L’entre-deux


Danse forum
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Autres­Lieux

!!L’entre-deux – 24 avril 2009, Bruxelles

Pour cette danse forum à Bruxelles, nous étions une quin­zaine de par­ti­ci­pants.

La joké­ri­sa­tion fut menée à trois, d’une façon fluide et com­plé­men­taire. Pour ma part, j’ai vrai­ment res­sen­ti de façon nette ce que je lais­sais dans les mains de mes deux co-jokers, et que j’aurais assu­mé si elles n’avaient pas été là. Cela m’a peu à peu don­né un sen­ti­ment per­son­nel d’incompétence, qui était en réa­li­té l’expérience d’une com­pé­tence par­ta­gée. L’apprentissage de la coopé­ra­tion, en somme…

La ques­tion fut posée de savoir si la pré­sence des enfants était pos­sible ou pas. Spon­ta­né­ment, j’ai répon­du que cela ne posait pas de pro­blème. Mais en réa­li­té, cela a posé pro­blème… C’est tout un art à (re?)construire, celui d’être ensemble autour d’un objet – ici une danse forum- tout en incluant les enfants. Nous n’avons pas tous, tout le temps, la patience d’y por­ter atten­tion. Et si nous n’y por­tons pas atten­tion, il y a le risque que l’enfant se mette au centre pour nous y for­cer…

Le thème de l’entre-deux a été recon­nu comme fédé­ra­teur aus­si­tôt que pro­non­cé, comme une syn­thèse invo­lon­taire por­tée par l’un de nous de tout ce qui avait été dit lors de nos pre­miers retours. Cette chose est tou­jours éton­nante lorsqu’elle se pro­duit !

Entre deux pôles, entre deux états, entre deux mondes, entre le monde consi­dé­ré nor­mal et ses marges, entre l’espace scé­nique et l’espace du devant : sur la mem­brane scé­nique (1), entre deux par excel­lence…

Cette fameuse mem­brane scé­nique fut bien tri­tu­rée dans tous les sens dans les pre­mières danses : sou­dain recou­verte de jour­naux créant la répé­ti­tion dans toute son éten­due de la phrase : « Hors les murs » ; sou­le­vée telle une vague, pour lais­ser le pas­sage d’une entrée sur l’espace scé­nique non plus par au-des­sus mais par en-des­sous – façon très ori­gi­nale de contour­ner l’incontournable- ; corps éta­lé cou­vrant les 3 espaces ; pieds en équi­libre sur sa fron­tière…

La néces­si­té fut res­sen­tie à un moment de res­ser­rer le thème sur une pro­blé­ma­tique par­ti­cu­lière. L’alchimie de chaque danse forum est unique, mais aus­si, les thèmes en eux-mêmes portent leurs spé­ci­fi­ci­tés : là où un thème comme « com­pact », lors d’une pré­cé­dente danse forum, n’a pas eu besoin d’être pré­ci­sé dans une pro­blé­ma­tique, l’ « entre-deux » ne pou­vait pas nous por­ter en lui-même. Le grand art serait d’arriver peu à peu à pro­blé­ma­ti­ser de telle ou telle façon selon les cir­cons­tances, le thème choi­si, l’ambiance de l’atelier, l’humeur du joker… Par­fois le thème se pro­blé­ma­tise « tout seul », sui­vant le fil tenace d’une logique incons­ciente, par­fois il a besoin d’être conte­nu dans une pro­blé­ma­tique expli­ci­te­ment posée.

Notre pro­blé­ma­tique fut donc : être dans l’entre deux génère sou­vent un malaise ; que faire de ce malaise ?
Avec une hypo­thèse sous-jacente : si on le lais­sait être, ce malaise, ne nous amè­ne­rait-il pas dans une troi­sième voie ?

Équi­libres instables, haï­kus impromp­tus, objet inso­lite mis sur l’espace scé­nique lui-même, illus­tra­tion hila­rante, musiques en poin­tillés, tout fut fait pour à la fois explo­rer et s’extirper du malaise de l’entre-deux, pour des­si­ner des lignes, des rythmes, des formes, du sens, qui nous fassent nous sen­tir situés. Besoin phy­sique de ne pas être en constant flot­te­ment ! Nous avons réagi à la pro­blé­ma­tique avec toute la force de notre vita­li­té et de notre ima­gi­na­tion ! Mais une ques­tion res­tait posée à la fin : que devien­drait le malaise si on le lais­sait faire..? Ah oui, au fait…

Comme nous vivions pour quelques jours ensemble, j’ai pu voir ce thème res­sur­gir par-ci par-là, lors d’un autre ate­lier, lors de la vie quo­ti­dienne… Il res­tait pré­sent dans le fil de nos pen­sées, nous nous en ser­vions pour conti­nuer à che­mi­ner.

Le thème d’une danse forum est un fil ten­du dans le temps et dans l’espace, reliant cha­cun d’entre nous et l’ensemble du groupe à ce qui se tri­cote au quo­ti­dien.

Nadine Gar­dères

(1) : Bord de scène : large d’un mètre envi­ron, cet espace – option­nel – entoure la scène sur trois côtés, lais­sant libre l’arrière-scène. Sorte de « mem­brane scé­nique » assu­rant les échanges entre l’intérieur et l’extérieur de la scène, elle est le lieu où inter­viennent les autres arts, en dia­logue avec la danse (poé­sie, musique vivante, des­sin, pein­ture, sculp­ture, ins­tal­la­tion etc.). Ce dia­logue des arts per­met une pro­blé­ma­ti­sa­tion non-ver­bale du thème.

Article créé le 16/02/2020

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