Danse forum
→ Terminologie
!!Le tilter
Je réponds ici à certains d’entre vous qui me demandent des précisions sur le tilter, le lien entre le tilt et le tilter, le rôle du tilter.
Bernard Bel complète la réflexion en fin d’article.
Le mot est pure invention… et proposition
si tu inventes le tilt, tu inventes le tilter !
Nous verrons bien si ce mot fait son chemin et comment, ou si nous en trouvons un meilleur.
Depuis longtemps nous voulions trouver un nom pour remplacer celui de « joker », que nous avions emprunté au théâtre forum. Nous avons adopté provisoirement « meneur », « meneuse », qui nous semblait plus neutre. En forumisant des danses forum, nous nous sommes vite rendus compte que ce terme passait mal, jamais il ne venait en bouche en quelque sorte, trop fade sans doute, et aux oreilles il sonnait incongru.
Mener un groupe, c’est se placer devant lui, or celui qui endosse le rôle doit se faire oublier.
Son action est plus dans le ressenti du bon moment
pour dire ou ne pas dire
pour veiller à la danse, la musique, au verbe, comme on veille sur le grain
sur l’énergie, l’espace, la durée, la liberté et le respect mutuel
sans les modeler ni user d’autoritarisme
ce qui n’est jamais gagné…
Son action est dans la reformulation de la problématique sans imposer son point de vue, dans la suggestion histoire de ne pas tomber dans la sujétion.
Bref, il lui faut le duende, le ki, une bonne connaissance de la danse et du processus de mise en forum, il lui faut l’esprit alerte et inventif, il lui faut le tilt… en tous cas, il l’appelle de ses vœux !
Le tilter serait celui qui a, ou au moins cherche, le tilt, et qui fait tilt,
et… le tilt fait tilter le tilter, par un p’tit claquement des doigts, ou un clappement doux des mains, ou un chant d’oiseau, toutes choses reconnaissables entre mille pour signaler l’idée qui arrive, qui peut changer la donne, la faire rebondir.
Le tilt, chacun peut s’en emparer : le tilter, qui serait un peu le « maître du tilt », ou son décimètre, ou son centimètre ; mais aussi, quand ils en sentent la nécessité, le danseur et le public en idée d’intervenir, de changer quelque chose, de proposer…
Autant le clappement de main tel qu’on le pratiquait pouvait être un arrêt
autant le tilt peut être une proposition pour aller de l’avant, remuer la carcasse, se surprendre, se réveiller, laisser les neurones s’épanouir et se brosser le dos
histoire de prendre un peu de liberté…
Andréine
PS : Pour certains des pratiquants de danse forum, ce terme ne leur parle pas, il ne sera donc pas adopté pour le moment.
Neige violente -
tant de choses à écrire
encore
Hashimoto Takako
Février 2011
Je reviens sur le mot « Tilter », pour le reproposer.
Pour la terminologie en danse forum, nous avons opté pour des termes génériques, qui enferment le moins possible, de façon à pouvoir les faire bouger de sens au gré de la pratique et leur redonner une richesse quand ils ont été dévoyés.
Pendant longtemps, comme nous en avions convenu, je me suis efforcée de nommer mon rôle lorsque je l’endosse, meneur/euse, mais je ne m’y suis jamais faite, cela me rend même inconfortable, parce que je ne mène en rien qui que ce soit, ni quoique ce soit. « Animatrice » ne conviendrait pas non plus, car en plus d’être un terme souvent éculé, je n’ai rien à animer.
Les autres mots dont nous avons doté la danse forum se sont adaptés sans problème à l’esprit et la forme de cette pratique.
Donner un nom à ce rôle est nécessaire : lorsque quelque chose n’est pas nommé, cela n’existe pas, a fortiori un rôle.
Voici ce que je peux dire pour la défense du tilteur
- c’est un mot inventé, un néologisme, le seul que nous pourrions nous permettre avec le mot danse forum, qui n’existait pas non plus avant que nous élaborions ce concept et cette pratique. Ce pourrait être notre « marque de fabrique », en quelque sorte (comme je pense « spectacteur » est la marque de fabrique du théâtre forum).
- ce mot inventé ne vient pas de nulle part, il vient d’un mot existant « tilt » (comme « danse forum » vient de « théâtre forum », terme qui lui-même n’existait pas avant que cette pratique ne soit conceptualisée).
- les définitions du tilt dans le TLF
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1671194265 ;
où on trouve les notions de jeu, d’arrêt soudain, de mesure, échouer, frapper l’esprit ou l’attention de quelqu’un, faire comprendre subitement, éveiller des souvenirs, susciter des réflexions ou des initiatives, donner des idées, permettre une remise en question, une communication authentique, renverser, basculer : je retrouve tout cela lorsque je suis dans ce rôle et que je l’assume.
- donner un nom a celui qui (fait) tilt est drôle, cela ne se prend pas au sérieux, et c’est peut-être le point pour moi le plus important, une signature en forme de clin d’œil.
- nous pourrions accompagner ce mot tilteur d’autres mots entre parenthèse (celui qui (fait) tilt, transcrit les mots, veille aux trois espaces…)
Je sais que ce terme ne fait pas l’unanimité, mais je propose qu’on l’adopte pour l’instant, qu’on l’essaye, et qu’on le remplace si un jour on en trouve un meilleur.
Andréine Bel
A propos des néologismes : dans les enguelades entre dialectologues et sociolinguistes je me range presque toujours aux côtés des sociolinguistes… Autrement dit, de ceux qui refusent une conception académique et conservatrice des langues. Les néologismes font partie de la vie d’une langue.
Mais, dans un monde où les contacts entre langues sont de plus en plus inévitables, c’est la créolisation qui a le dernier mot. Donc, dans le choix ou l’invention d’un mot, je regarde en premier s’il peut circuler entre plusieurs langues européennes. Créer un mot peut être nécessaire lorsqu’il couvre une idée nouvelle bien précise. Je n’ai pas inventé la « bravitude », mais « polymetric structure » m’a ouvert de nombreuses portes.
Reprendre un mot en faisant glisser son sens peut être un exercice excitant entre initiés, mais c’est catastrophique dans l’interlangue. Des mots comme « déconstruction » et « problématisation » en sont de tristes exemples, nous l’avons déjà vu.
Le mot « tilt » se propage dans toutes les langues européennes. (Je suis sûr que les Japonais vont adorer.) Par contre, un mot comme « meneur » se traduit par des mots à résonnances plutôt glauques : leader/Führer/duce/…
Même dans sa connotation ludique, le tilt peut se faire savoureux :
>Dispositif dont sont munis les billards électriques et qui interrompt la partie dès que le joueur secoue trop l’appareil pour améliorer son score ; signal lumineux indiquant par le mot tilt que la partie est interrompue. Il faut avoir la possibilité de tricher en secouant l’appareil. Le tilt n’indique qu’une limite à ne pas dépasser. C’est une menace délicieuse, un risque supplémentaire, une sorte de second jeu greffé sur le premier (Jeux et sports, 1967, p. 1127). Un peu de douceur, un peu de violence, pas trop, sous peine de déclencher le « tilt », l’arrêt de l’appareil, le néant, la mort (Le Nouvel Observateur, 2 avr. 1973, p. 53, col. 1).
Une menace délicieuse : on va se problématiser ça ! 🙂
Bernard Bel
Article créé le 16/02/2020