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!!L’œil et l’espace – 3 mars 2007
Nous étions huit.
Que faire de la sensation dès qu’elle est contactée ? Cela revient-il à accueillir inconditionnellement les sensations ? A les laisser nous mouvoir ? A répondre aux besoins qu’elles expriment ? Toutes ces questions restent ouvertes, nous n’avons fait que les aborder.
La sensation de l’espace, du corps dans l’espace délimité du dojo avec les autres corps, nous a convenu à tous. Nous nous étions donné pour seule consigne de ressentir l’espace, ce qu’il nous faisait et comment nous interagissions avec lui. L’espace est devenu palpable, le moindre changement d’angle changeait sa préhension, les corps se sont agencés sans réfléchir comme une nuée d’oiseaux (sept, mais quand-même !) qui se posent à terre. Les lignes de force naissaient toutes seules, se désintégraient pour en former d’autres, selon trois plans : debout, assis, couché. Ils sont devenus signifiants sans qu’aucun sens précis n’apparaisse. Nous étions en pleine abstraction sensible, loin de toute illustration, narration ou intellectualisation.
La saveur de l’abstraction à l’œuvre, c’est inoubliable. Il ne s’agissait plus de « donner un sens », mais de « faire sens ».
Naturellement, c’est un fil ténu que le « faire sens » lié à la sensation. D’un côté du fil il y a l’illustration, où l’on prend le spectateur par la main pour que surtout il pense comme on veut qu’il pense, et de l’autre le « non-sens », le n’importe quoi, où l’on se perd et perd l’autre.
L’illustration et le non-sens usent la créativité, trop dirigée d’un côté, sans repères de l’autre. Mais ils usent aussi l’intégrité de l’être : quelle liberté avoir quand tout est joué d’avance, ou quand rien ne peut nous relier ? Quel respect de soi et des autres avoir quand on est infantilisé ou quand on « perd » sa vie à faire n’importe quoi ?
Cette fois, et sur l’adagio de Barber puis les variations de Goldberg, l’illustration n’a pas montré son nez, le n’importe quoi parfois, par touches, ces choses-là sont tellement discrètes ! Mais derrière ma camera, je retenais mon souffle.
Le forum a été à la hauteur de la mise en route. Le rôle du joker a été endossé par notre forum-acteur préféré, c’était une première, j’espère qu’il remettra ça car cela coulait tout seul, le déroulement, la formulation de ce qui venait de se passer et où nous souhaitions aller, l’ouverture des possibles. Il passait les musiques parfois au hasard, et bien ça marche, nous en avons la preuve…
Quand l’œil de la camera devient-il envahissant dans l’espace dessiné entre les corps ? La camera en a vu de toutes les couleurs, deux fois même elle s’est voilé l’œil (nous n’avons toujours pas compris comment) pour ne pas voir tant les cascades qu’on lui faisait faire étaient impressionnantes. Elle a réussi à devenir trop indiscrète à force de chercher le grain de la peau, mais globalement, elle a joué avec bonheur au chat et à la souris avec telle portion de peau, telle volute du dojo qui défilait comme un manège et quelques plans plus conventionnels qui donnaient à voir les formes. Le manque de distance n’a réussi à importuner personne, c’est dans l’approche que tout se joue, cela au moins nous l’avons clairement expérimenté.
Le bilan nous a régalé des images incongrues et vibrantes d’une heure de film.
Andréine Bel
d’après les retours de : Alexandre D, Andréine B, Elise B, Estelle M, Guillaume T, Laurent B, Leonardo C, Nadine G.
Article créé le 16/02/2020