Danse forum
→ Comptes-rendus des ateliers
→ Aix-en-Provence
!!L’ombre et la lumière – 19 décembre 2010, studio Forbin
Nous étions huit pour cet atelier de cette fin d’année 2010, entre ombre et lumière.
Je voulais tester l’articulation DF et DR, en lançant comme un défit la proposition de faire de la danse recherche (la focale est la danse, et la problématisation est à son service) mise en forum (on déplace la focale vers la problématisation du thème). Ce fut un florilège de focales !
Nous avons commencé autour de cette reproduction de la tempête de neige de Turner :
http://www.productionmyarts.com/dossiers-artistes/turner/tempete-neige-vapeur-port-1842-fr.htm.
On entrevoit un bateau toutes voiles baissées au milieu des éléments déchaînés entre mer et ciel. Turner aurait paraît-il demandé à être attaché au mat pour voir ce qu’il se passe de l’intérieur d’une tempête.
En laissant « reposer » le thème et cette illustration, nous avons trouvé les sensations corporelles et leurs besoins :
- dissymétrie, échauffement de la hanche gauche
- trace de parfum d’ail sur les mains, retour vers le nid familial, balancement, bercement
- tension des aines, le bassin mis en relief comme une caverne d’ombre
- points de densité variable selon le poids des appuis au sol.
Ou bien ce malaise de dire le silence : ne plus savoir discriminer, ni que choisir à dire.
Ombre et lumière comme noir et blanc ? Comme couleurs foncées ou claires, intenses ou pastel ? Perception différente selon la lumière : le noir et le blanc sont plus ou moins brillants ou mats.
Le contraste des couleurs comme une contraction. Entre terre et ciel, ombres et lumières du corps, parties compactes ou légères, froides ou chaudes, conscientes ou inconscientes. Le haut du corps lumineux, le bas sombre. Les idées claires. Mais le thème est obscur… Comme une forêt antique ?
La couleur comme une vibration, chaleur, tension – extension. Le mouvement guidé par les zones d’ombre et de lumière des corps, et de la pièce : on ne se cogne pas. Percevoir sans avoir à prévoir.
Réverbération lumineuse sur la terre sombre : je me tiens dans la lumière de mon corps, funambule sur lignes au sol. Tango des points d’appuis lumineux.
Une réconciliation : la masse noire de l’intérieur se colore, il suffirait d’un rai de lumière pour faire apparaître ses teintes, ses intensités. La plaie, le sang qui s’échappe, ne sont-ils pas grenat ? Les tendons et les os bien au chaud ne sont-ils pas nacrés ? Les dents, couleur ivoire ? Plongée en ivresse dans les arcanes du soi reflétant le monde.
Le derviche tourneur : de sa main droite il boit le ciel et de la gauche caresse la terre, faisant tourner dans les plis de sa robe blanche les couleurs du monde.
La mort comme seul obstacle véritable à la danse.
Sensation et représentation nous apparaissent mêlées, indissociables. Plongée dans le monde des associations.
Ombres et lumières de la musique.
Les Grecs anciens pensaient que c’est l’œil lui-même qui projette la lumière sur les choses. La scintigraphie fait-elle autrement ? Où est la réalité, dans l’œil qui regarde, dans la chose regardée, ou dans son reflet ? Rumi de nouveau nous a visité. Et Abhinavagupta : percevoir l’obscurité « est » conscience lumineuse (Vatsyayan 1968).
C’est comme lorsqu’on dort, on se réveille tout doucement, l’aurore s’annonce dans le réveil de la lumière. Vertige de la lumière.
Le regard dénué du jugement esthétisant, est-ce ce regard qui met en lumière ?
Le bandeau de colin maillard peut aussi être le lieu de tous les abus, de tous les dangers. Mais danser avec les lumières à l’intérieur de soi et retrouver ses appuis est possible. Pouvoir de nouveau s’appuyer sur quelqu’un, ne plus craindre.
Changement qualitatif plutôt que quantitatif autour des intensités : les gribouillis s’épurent.
Ombres et lumières, c’est aussi pouvoir être pétrifié(e) par l’espace de danse, par le filtre des représentations et des jugements : sans la légitimité du « danseur », est-ce de la danse ce que je fais ? Il a suffi de les voir et les limites se sont évanouies ou transmutées, élargissant le cadre de la scène et de la danse. Interroger le cadre, pour le réduire à son utilité perceptible.
La lumière se travaille…
Andréine Bel
d’après les retours de : Andréine B, Bernard B, Cécile M, Hélène M, Céline L, Minh N‑G, Nadine G, Maritza S.
PS : Le même jour, il y avait atelier de danse forum sur « L’errance », à St Etienne les Orgues. Le compte-rendu (lumineux intense) de Johanna est sur ce wiki
http://wiki.leti.lt/DanseForum/LErrance
Article créé le 16/02/2020