Ateliers Lambesc

Première danse forum publique


Danse forum
Comptes-ren­dus des ate­liers
Lam­besc

!!1° danse forum publique – 13 mai 2006

Cette pre­mière danse forum en public a eu lieu à Mira­beau, dans la région de For­cal­quier.

Notre pre­mier essai de pré­sen­ta­tion de danse forum s’est donc fait devant un public ami : la ren­contre inter-forum ras­sem­blait une tren­taine de per­sonnes, de cinq troupes dif­fé­rentes de théâtre forum de la région. La plu­part des visages m’étaient connus, mais peu des autres dan­seurs forum.

De notre côté, nous étions huit. Pour deux d’entre nous, c’était une pre­mière approche de la danse forum.

Nous avions débat­tu entre nous de ce que nous allions don­ner à mon­trer. Nous avions à choi­sir entre repro­duire exac­te­ment l’atelier de danse forum tel qu’il se passe chaque same­di, ou nous mettre vrai­ment dans des condi­tions du spec­tacle forum.

Dérou­le­ment de l’atelier habi­tuel

Sur presque deux ans, l’atelier s’est peu à peu struc­tu­ré selon un enchaî­ne­ment assez souple pour nous conve­nir presque à chaque fois :

- Un tour de tapis où cha­cun exprime ses envies et besoins du moment.

- S’il y a consen­sus, on choi­sit une approche com­mune : détente, contact, éti­re­ments etc. Si nous avons tous des envies et besoins dif­fé­rents, cha­cun les déve­loppe indi­vi­duel­le­ment. Cette mise en route est l’occasion pour tous de se « retrou­ver », de contac­ter en soi nos sen­sa­tions, et de les accueillir incon­di­tion­nel­le­ment. Sur trois heures d’atelier, cela dure une heure à une heure trente.

- Pause.

- La pra­tique de la danse forum. Le thème choi­si émerge de ce qui vient d’être fait comme mise en route et qui fait écho à un vécu pour cha­cun.

La per­sonne qui est le plus immé­dia­te­ment concer­née par le thème choi­si fait une mise en cho­ré­gra­phie rapide avec les dan­seurs qu’elle choi­sit. Elle pro­pose une impro­vi­sa­tion avec des consignes, des grandes lignes que chaque dan­seur fait siennes. L’improvisation est basée sur les sen­sa­tions que le thème éveille. Ceci nous per­met d’éviter bien des écueils : l’illustration, la théâ­tra­li­sa­tion de la danse, la redon­dance, et favo­rise l’authenticité de ce qui se pro­duit sur scène. Il y a tou­jours au moins un d’entre nous qui repré­sente le public, il fait le retour néces­saire au forum.

Notre ate­lier tel qu’il s’est éla­bo­ré a concer­né de 2 à 13 dan­seurs à chaque séance. Nous n’avons jamais été plus nom­breux.

Danse forum en repré­sen­ta­tion

Or, ce 13 mai, nous allions être en repré­sen­ta­tion, avec une tren­taine ou plus de par­ti­ci­pants, il nous fal­lait nous adap­ter. Nous vou­lions voir com­ment se dérou­le­rait une danse forum dans des condi­tions réelles de spec­tacle, telles que le théâtre forum les pra­tique.

C’est donc cette deuxième solu­tion qui a été choi­sie par nous de la danse forum. Je me rends compte aujourd’hui que cela aurait été inté­res­sant de lais­ser le choix d’atelier ou de repré­sen­ta­tion à tous les par­ti­ci­pants du 13 mai. Nous y avions pen­sé, mais sur le moment cela ne nous est pas venu. Dans notre envie de pla­ni­fier au mieux, nous avons lais­sé échap­per l’occasion d’exercer acti­ve­ment la démo­cra­tie ! Mais du coup, bien des choses en ont dû s’adapter, sans que nous ayons pu vrai­ment les anti­ci­per, donc au der­nier moment…

Est-ce une vieille habi­tude ? Une fébri­li­té s’est empa­rée de moi, que j’acceptais comme étant inhé­rente à la notion de spec­tacle, mais qui me met­tait mal à l’aise. Les autres dan­seurs étaient indemnes de cette fébri­li­té, je m’en réjouis­sais, je me ren­dais compte que mon his­toire y était pour beau­coup dans cet état de stress léger, bien connu des artistes de spec­tacle vivant qui consi­dèrent d’ailleurs cela comme de très bon augure.

Mais j’avais la convic­tion que ceci n’avait pas sa place en danse forum. Je ne sau­rais pas dire exac­te­ment pour­quoi. Il me (nous) faut creu­ser. Ce que je peux dire, c’est que le simple fait d’envisager un choix entre pré­sen­ter ce que nous fai­sions d’habitude dans nos ate­liers de danse forum et ce que nous sup­po­sions néces­saire au bon dérou­le­ment d’un spec­tacle était un cha­grin pour moi (et peut-être pour d’autres). Mon pre­mier élan était de ne pas nous poser le choix, et d’aller vers la pre­mière solu­tion. Mais le men­tal est prompt à prendre les rennes.

Le stress m’alertait pour­tant. Depuis que nous tra­vail­lions ensemble à l’atelier, pour la pre­mière fois de ma vie, non seule­ment je n’avais plus res­sen­ti de stress en dan­sant devant quelqu’un, mais aus­si en ani­mant ces ate­liers. Quelque chose d’infiniment plus pré­cieux à mes yeux que le stress « dépas­sé » a pris place. En quelques ate­liers de danse forum, j’ai vu plus de choses sublimes qu’en qua­rante ans de danse.

Nous nous sommes retrou­vés dans une posi­tion de dan­seurs ayant à assu­rer un spec­tacle de danse forum selon le cane­vas connu du théâtre forum. Et c’est là que nous mesu­rons le tra­vail qu’il nous reste à faire…

Par rap­port au théâtre clas­sique, le théâtre forum a éla­bo­ré « sa façon », qui lui per­met de res­ter au plus proche de ce qu’il veut favo­ri­ser : le dia­logue public-acteurs, l’absence de hié­rar­chie, l’improvisation de tous à par­tir du vécu. Ceci pour que le forum ait lieu dans les meilleures condi­tions, avec une créa­ti­vi­té à l’œuvre à chaque ins­tant. Le verbe est au centre de cette alchi­mie.
Ici, le corps, le mou­ve­ment et le geste sont au centre de la danse forum.

La pré­sen­ta­tion

Par­ler ce que nous allions faire ensemble, en défi­nis­sant les spé­ci­fi­ci­tés de la danse telles qu’elles nous appa­raissent pour l’instant.

1 – La danse fait appel au visuel essen­tiel­le­ment (les bruits, les mots et les phrases peuvent jaillir, mais comme sono­ri­tés).

2 – Elle est tri­di­men­sion­nelle, au contraire du dérou­le­ment du verbe qui est linéaire.

3 – Nous basons nos impro­vi­sa­tions sur les sen­sa­tions du moment (cela aurait pu être sur des concepts, un par­ti pris, des images etc.). Ces sen­sa­tions sont le fruit de notre his­toire pas­sée, pré­sente et à venir.

Ces trois spé­ci­fi­ci­tés nous ont ame­nés vers trois consignes trans­ver­sales :

1 – Le « per­son­nage » n’est pas obli­ga­toire, l’abstraction et la poé­sie du mou­ve­ment le per­mettent.

2 – Le spec­ta­dan­seur entre et sort quand il veut, d’où il veut. Il suf­fit qu’il touche le dan­seur et lui signi­fie ain­si qu’il sou­haite prendre sa place. Une inter­rup­tion n’est pas obli­ga­toire. Elle n’est sou­hai­table que pour faire le point public/danseurs et spec­ta­dan­seurs.

3 – Le spec­ta­dan­seur dit ou ne dit pas son idée avant d’entrer sur scène.

Nous avions pla­cé les tapis de danse au centre d’un demi-cercle, le public était assis à même le sol, sur des tapis autour de la scène. Des chaises étaient pla­cées der­rière, pour ceux qui le sou­hai­taient. La mise en place des tapis me bous­cu­lait dans mes ten­sions, qui m’amènent tou­jours à éco­no­mi­ser mes mou­ve­ments pour ensuite mieux pou­voir agir. Heu­reu­se­ment, les autres par­ti­ci­pants insis­taient assez pour mettre un peu de sou­plesse dans l’organisation.

La « mise en route »

Cet échauf­fe­ment d’un type par­ti­cu­lier puisqu’il se met en place par rap­port aux besoins que la per­sonne per­çoit elle-même.

Sauf que là, nous n’avons pas pris le temps pour cha­cun d’exprimer ses besoins, ni de se « retrou­ver », de contac­ter ses sen­sa­tions. La consigne que j’ai pro­po­sée avait été déci­dée entre nous huit, en fonc­tion des thèmes que nous allions pro­po­ser : obser­ver les mou­ve­ments qui naissent du contact avec ce que cha­cun choi­sit – le sol, l’air, le mur, le par­te­naire.

Le jazz de Chris Bar­ber était un mau­vais choix de ma part, c’est du moins ce que j’ai res­sen­ti dès les pre­mières notes. J’avais cet air dans la tête depuis deux jours, et comme tou­jours lorsque je suis ten­due, je n’arrive pas à lais­ser l’instant fleu­rir…

J’ai donc presque immé­dia­te­ment envoyé la consigne de ne pas se lais­ser influen­cer par la musique, ce qui en soi pou­vait être un excellent exer­cice, seuls les témoi­gnages m’éclaireront. Puis du silence pour conti­nuer à obser­ver le contact, puis l’Ave Maria de Gou­nod, qui aurait gagné à être joué en pre­mier, tou­jours selon mes sen­sa­tions (Chris Bar­ber aurait alors eu toute sa place en second). Pen­dant tout ce temps, j’observais aus­si que je ne par­ti­ci­pais pas à cette mise en contact, que je res­tais accro­chée à mon poste d’animateur, comme si j’étais inves­tie d’un tra­vail autre que les autres par­ti­ci­pants. Encore une habi­tude à laquelle je pen­sais avoir tor­du le cou.

Puis, j’ai lan­cé une série de consignes pour ras­sem­bler et dyna­mi­ser le groupe, non pas que ce n’ait pas été effi­cace, mais c’était labo­rieux, et là encore, ce genre de pré­oc­cu­pa­tion ne m’effleure nor­ma­le­ment plus l’esprit en danse forum. En effet, les sen­sa­tions étant accueillies incon­di­tion­nel­le­ment, nous ne par­tons pas de ce que nous pro­je­tons d’un idéal à atteindre, mais d’où nous sommes. La vie se met en mou­ve­ment. Alors que lorsqu’on cherche à atteindre un état, le men­tal dirige, avec ou contre les sen­sa­tions. Le résul­tat n’a rien à voir.

Bref, jusque là, j’ai pu une fois encore véri­fier com­bien les inter­ven­tions, sup­po­sées faci­li­ter la créa­ti­vi­té, créent de toute pièce des dif­fi­cul­tés qu’il faut ensuite « trai­ter ».

Le forum

L’indécision nous avait paru le meilleur thème, le plus fédé­ra­teur. Nous l’avions explo­ré le same­di d’avant, et avant de venir à la ren­contre, nous l’avons peau­fi­né. Est-ce parce que nous renon­cions ain­si à l’instantanéité qui nous était si chère, tou­jours est-il que nous nous sommes débrouillés pour pro­po­ser en pre­mier un thème plus ancien que nous avions peu explo­ré : la pres­sion. Ce qui fait que nous n’avons pas eu le temps de foru­mi­ser l’indécision. Je ne sais s’il faut le regret­ter. Pour ma part, j’étais encore dans une logique d’efficacité, la « pres­sion » me sem­blant plus facile d’accès que « l’indécision ». Une fois de plus, nous aurions pu deman­der à l’ensemble des par­ti­ci­pants.

Au début, l’efficacité ne sem­blait pas gagnée ! Il y avait un cer­tain flot­te­ment. Mais peu à peu cha­cun a enfin pu reprendre l’initiative. Je trou­vais les pre­miers essais un peu illus­trés théâ­tra­le­ment, par les dan­seurs comme par les spec­ta­dan­seurs. Mais pro­gres­si­ve­ment, l’authenticité du geste est appa­rue. Et nous avons fini en apo­théose. Je vous laisse la plume, à tous les par­ti­ci­pants, pour décrire et témoi­gner de tout cela.

Andréine Bel

Article créé le 16/02/2020

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