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!!Sen­sa­tion et authen­ti­ci­té – 21 octobre 2006

Nous étions cinq et en avons pro­fi­té pour nous pen­cher sur ce que
veut dire « bou­ger à par­tir de la sen­sa­tion ».

Les sen­sa­tions que nous avons nom­mées au départ étaient : un point de fatigue,
essor, liber­té, besoin d’aérer les muscles, besoin d’étirement.

Essor et liber­té avaient une part de pro­jec­tion d’idéal. Est-ce
l’utilisation du mur pour sup­port ? La pro­jec­tion est reve­nue au
besoin pre­mier, comme si le mur, par sa neu­tra­li­té, avait impo­sé la
sen­sa­tion de base, en un miroir fidèle. L’essor est deve­nu appui,
puis sus­pen­sion, che­mi­ne­ment vers l’intérieur des sen­sa­tions, et
fina­le­ment l’essor a été vécu, mais par une route incon­nue, allant
vers le bas plu­tôt que vers le haut. Le dan­seur en était tout
retour­né ! La liber­té, après un essai les bras au ciel, s’est
retrou­vée accou­cou­née sur une marche et contre le mur, et là a connu
une liber­té authen­tique. Les deux dan­seurs diront peut-être tout cela
avec leurs mots, que j’essaie de repro­duire ici.

J’ai deman­dé quelle était la sen­sa­tion au départ du « besoin
d’aération » des muscles. La réponse a été : la rai­deur du dos. Celle
au départ du « besoin d’étirement » ? Un cer­tain malaise, l’appréhension
légère de se trou­ver à bou­ger devant des « incon­nus ».

Au fil de la conver­sa­tion, le mot besoin a fait place à celui
d’envie : j’ai envie d’être bien dans ma peau, déten­due, de faire des
mou­ve­ments souples et amples etc.

Je me sens raide, ou tas­sée, je pro­jette, à par­tir de cette
sen­sa­tion, ce que je devrais faire pour y remé­dier. On pour­rait dire
que c’est une approche allo­pa­thique de la danse ren­due
thé­ra­peu­tique, où je me sens dans un état x, et je fais mon
pos­sible pour être dans l’état y que je pense être mieux pour moi, y
étant à l’opposé de x.

C’est ce que fait tout « bon » échauf­fe­ment clas­sique, en danse ou en
sport. J’étire, j’assouplis, for­ti­fie volon­tai­re­ment, dou­ce­ment et
selon mes sen­sa­tions, telle puis telle par­tie de mon corps.

Un échauf­fe­ment clas­sique n’est pas de la danse, j’améliore mes com­pé­tences phy­siques,
et je mets en valeur l’intelligence qui consiste à aller au bout des
pos­sibles. Une fois échauf­fée, je pour­rai nor­ma­le­ment « dan­ser »,
habi­ter ce que je fais.

Pour­tant, lorsqu’il y a une rai­deur, ou un tas­se­ment, ou toute autre
sen­sa­tion que je peux juger désa­gréable par rap­port à un idéal que je
pro­jette, cette sen­sa­tion « est » déjà la réponse à un besoin. Le dos
fait spon­ta­né­ment un plâtre éner­gé­tique pour s’immobiliser
pro­vi­soi­re­ment, le temps que le tra­vail de régé­né­ra­tion se fasse. La
rai­deur per­met à la ten­sion de s’exercer, celle-ci répon­dant au
besoin de cohé­sion et de recen­trage. Le corps se tasse par
appré­hen­sion, pour se pro­té­ger, il fait son tra­vail invo­lon­taire et
spon­ta­né de conser­va­tion.

C’est pour cela qu’il est impor­tant de par­tir de la sen­sa­tion de
base, ou sen­sa­tion repère, ici la rai­deur ou le tas­se­ment. Elle nous alerte et indique les besoins
pre­miers, et non pas une « envie qui crée à son tour des besoins ».

La rai­deur ou le tas­se­ment accueillis, je vais les lais­ser agir en
moi, et rendre à l’involontaire une pos­si­bi­li­té de me gui­der. Et là,
ce qui vient est éton­nant, sur­pre­nant, vivi­fiant. Le besoin est
rééva­lué à chaque ins­tant, le mou­ve­ment va prendre des che­mins tout
fait inha­bi­tuels, et sur­tout, je me réap­pro­prie mes sen­sa­tions. Le
corps se place.

L’authenticité qui se dégage de tels mou­ve­ments est visible et
sen­sible, elle est ful­gu­rante. L’atteindre une seconde est déjà un
tour de force, mais si je peux une seconde, je peux deux secondes et
ain­si de suite. Il faut de la patience avec soi-même. La cho­ré­graphe
Karin Vaeh­ner dont nous avons vu ensemble la video, a mis toute une vie à
contac­ter cette authen­ti­ci­té. Pour­tant, depuis le début, elle par­lait de
sen­sa­tion, ayant l’intuition que c’était une clé pour la danse. Mais
entre ses pre­mières appa­ri­tions sur scène et la der­nière, il y a un
monde !

Je n’ai pas fil­mé toute cette pre­mière par­tie et le regrette. Mais
nous sommes ensuite pas­sés un par un, pour édu­quer le regard. Sur
l’autre, on « voit » les choses de la vie, n’est-ce pas ! ?

Andréine Bel

d’après les retours de : Andréine B, Aurore C, Johan­na B, Marie B, Mau­rice M.

Article créé le 16/02/2020

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