Stage de transmission de la danse forum les 6,7 et 8 mai 2016 à St Germain-sur-Ille, près de Rennes
https://collectifsanstete.wordpress.com/transmission‑6 – 5‑16/
Stage organisé par Hervé Marongiu. Nous étions 15 participants, la plupart à forte conscience politique, pratiquant la danse, la musique ou le théâtre (dont théâtre forum), sous différentes formes.
Trois chapitres :
I – CR écrit d’après mes notes et les enregistrements, résumé à certains endroits.
II – Lexique du moment
III – L’après
Conventions adoptées pour la rédaction
- Je mets entre […] ce que j’ai rajouté à la rédaction du CR.
- Les italiques sont réservées aux consignes et recommandations.
- Les rôles (Tilteur, Danseur etc.) commencent par une majuscule. Lorsqu’ils sont accompagnés d’une étoile comme Regardeur*, Régleur*…, cela veut dire que ces mots sont nouveaux et n’ont pas encore été validés pour faire partie du lexique de la DF.
- DF = danse forum
TF = théâtre forum
D = droite
G = gauche.
I – CR des trois jours de stage
6/5/16, premier jour : « Imprégnation »
Au matin : accueil, présentations et motivations exprimées pendant le tour de tapis.
Nous étions quinze, et chacun s’est présenté.
Nous avons évoqué le mémoire de Nadine Gardères sur la DF en 2012 (voir biblio) et son site : https://eizada.poivron.org/
Présentation de la DF et du stage par Andréine
- La DF telle que vous allez la pratiquer est toujours en recherche, et j’espère qu’elle le restera.
- Comme le TF, c’est un outil pour réfléchir ensemble, sans penser à la place des autres. Nous avons été inspirés au départ par le TF, et c’est en voyant un TF que j’ai réalisé : c’est ça qui manque à la danse ! Cet instant a été d’une clarté ! Avec cette prise de conscience : la danse peut créer un outil de réflexion.
- Bien sûr, nous n’allions pas faire un copié collé avec le TF, c’est à dire faire une sorte de théâtre muet plus ou moins mimé – donc du mauvais théâtre et faire du TF en mime et expression corporelle. À notre sens, ce n’étais pas envisageable. La danse est un art à part entière, comme le théâtre, son potentiel est singulier. En théâtre, l’histoire est racontée, elle suit l’enchaînement des phrases : faire du théâtre sans narration devient compliqué. En danse, nous avons de suite plusieurs dimensions, abstraites ou narratives. La danse offre des possibilités différentes par rapport au TF.
- La DF a été une longue élaboration : sept ans, c’est le minimum du minimum pour commencer à voir comment faire. On a essayé mille façons, et cela continuera à évoluer. Une pratique qui n’évolue pas, c’est une pratique qui n’est pas critiquée ni remise sur le métier : il n’y a pas d’exception à la règle…
- Dans ce stage, je voudrais à la fois transmettre la DF et la recherche. Ce n’est pas un outil livré clés en mains : c’est quelque chose sur lequel réfléchir, et chacun est bienvenu pour enrichir cet outil, pour le polir. Avant d’élaborer un outil quel qu’il soit – même un marteau – il faut tellement d’essais et d’échecs pour l’adapter aux matériaux travaillés !
- La DF est « opérationnelle » depuis 6 ans maintenant, mais on l’adapte chaque fois au contexte [apprentissage, festival, thèse..]. La DF n’est pas une œuvre en soi, c’est un outil qui permet de créer une œuvre, tant au niveau des idées qu’au niveau artistique.
- Elle remet drastiquement la danse en question – du moins l’idée que l’on s’en fait, les a priori… Ça met de l’espace dans les convictions que l’on a sur la danse : qu’est-ce que la danse ? Quand est-ce qu’elle commence ? Quand finit-elle ? Où est-ce qu’elle doit aller : tout cela est remis sur le tapis. Remettre en question ne veut pas dire démolir, mais au contraire, remettre les questions au centre de la pratique. C’est à dire que la danse est mise en forum elle-même. On peut très bien s’approprier la DF juste pour réfléchir à la danse.
- Mais c’est un outil pour réfléchir ensemble à d’autres problématiques également. Qu’elles soient d’ordre philosophique, politique, artistique, social, culturel…, toutes les problématiques sont bienvenues. Elles peuvent être adoptées sous la forme d’un thème, qui en général nous pose question : le thème en DF, ce n’est pas le truc qu’on va essayer d’illustrer, d’aucune façon. Nous verrons ensemble comment le thème est en fait toujours dans l’arrière champ de l’artiste forum.
- Nous avons longtemps fonctionné avec un seul thème, le sensitif, choisi à l’issue de l’échauffement, qui lui-même se base sur la perception des sensations corporelles internes et des besoins qu’elles expriment. L’échauffement est une sorte de barattage du corps, des émotions et des sensations, et de là naît un thème sous forme de question sensitive du moment, de comment on se sent.
- Ce n’est qu’ensuite, grâce aux représentations publiques, que nous avons réalisé que nous pouvions choisir un thème réflexif en amont de la DF ou en tout début, suggéré par les organisateurs ou par la structure d’accueil. [Par exemple, lorsque nous avons participé au Festival Rentrée Nouvelles à Forcalquier du 20 au 23 août 2010 (organisé en partie par François et Johanna Bouchardeau), le thème du festival était : « Écritures du corps, corps de l’écriture », et nous l’avons adopté comme thème réflexif pour la DF. Voir le CR : http://wiki.leti.lt/DanseForum/FestivalRentreeNouvelles]
- L’idée de mettre les deux thèmes en regard ou en friction pour une même DF nous est venue « naturellement », comme une option.
Le thème réflexif
Son choix nous a pris une bonne heure et demi de discussion.
- Les thèmes envisagés en amont du stage : émotion et action, place de la pratique artistique dans nos modes de vie, art confluent des aspirations et émotions, s’exprimer, se contrôler et s’opprimer, rencontre et échange, quiétude, confort et sûreté, rapports de domination, l’exclusion, l’amour et la bienveillance, dedans – dehors, juste – injuste, peur et risque, le corps collectif, immobilité en mouvement, authenticité – artificialité : situer la frontière, faire – ne pas faire, le travail, emprise du pouvoir sur les corps, pouvoir et contre-pouvoir du corps, du désir au besoin, la joie cachée dans nos peurs, la source, traces des actes et mémoire du corps, le regard, le présent dans le temps, le plaisir de ne plus subir, nos corps sont politiques : où en sommes-nous, la dynamique de la joie, la prédisposition transformative des corps, l’abandon, se sentir en sécurité.
- Les thèmes envisagés sur le moment : continuité et rupture, rapports de domination, comment nos corps peuvent être politiques autrement que par les mots, normalité et anormalité, non-forme et informe, l’essentiel, la domination par le langage, le langage du corps : qu’est-ce que cela transforme, les passages, politique et langage, la normalité, le passage, l’oppression, l’impuissance, la domination, l’émancipation, le pouvoir du corps, nos peurs, la forme, le langage.
- Thème réflexif retenu pour ces trois jours : La domination.
1ere danse forum, avec Andréine pour Tilteur
Échauffement sensitif
Il s’agit de contacter la sensation interne physique, sans vouloir la modifier tout en la laissant évoluer et nous mettre en mouvement.
1 – Consignes pour l’éveil des sensations :
a) observer, situer et nommer les sensations internes ://
- tension nuque et ventre ; petite faim ; pulsation ; froid aux pieds ; confort ; battement ; endormissement ; retenue ; travail de la nuque ; pincement ; étirement au niveau des omoplates ; ondulation de la respiration ; lourdeur oculaire.
[La précision viendra petit à petit. Nommer une sensation permet de mieux la percevoir et de la situer (interne ou externe, de terrain ou ponctuelle), et de la reconnaître dans d’autres contextes pour en apprendre quelque chose. Poser le regard sur les sensations et sur le rapport que nous entretenons avec elles est au centre des deux éveils qui forment l’échauffement.]
b) puis percevoir les besoins qu’elles expriment et répondre à ces besoins en laissant le corps bouger et changer de position grâce au jeu des muscles ://
- contraction de l’estomac ; bascule du bassin ; étirement du dos ; fourmillements jambe droite ; ramassement du bassin autour du ventre ; rotation de la nuque ; pulsation « énergétisante » flanc droit ; compression sinus ; poids de la jambe levée sur flanc gauche ; contact des mains sur les tempes ; étirement des muscles autour du sacrum ; inspiration ; torsion au niveau des omoplates.
2 – Consigne pour l’éveil des muscles :
Situer le centre actuel de la sensation (qui a pu se déplacer voire changer), observer le muscle concerné puis la ou les chaînes musculaires impliquées. L’éveil des muscles répond à leurs besoins en mettant le corps en mouvement ://
- crispation, tension des muscles ; muscles de la nuque, rotation et va et vient de la tête ; bander les muscles pour dynamiser le corps grâce aux appuis ; besoin d’étirement des muscles du bras, besoin de fluidité, contraction cuisse G et tension bras G, étirement des jambes ; besoin d’asymétrie sur les points d’appui ; position debout pour crisper le ventre et libérer le bas du dos ; besoin de balancement ; besoin rotatif pour harmonisation ; ondulation du tronc pour échauffer ; besoin d’étirer puis de relâcher ; besoin de pression ; équilibre sur pointe des pieds pour aider la crispation, mouvement circulaire pour reprendre une assise au sol ; activation des épaules puis frissons ; petits pas pour d’autres muscles ; besoin de relâchement total ; extension arrière ; roulement sur les muscles.
Bilan des éveils
- Poser le regard sur les sensations et sur le rapport que nous entretenons avec elles – par l’involontaire et le spontané – est au centre des deux éveils.
- Une bonne articulation a été trouvée entre l’éveil des sensations (dynamique centripète) et l’éveil des muscles (centrifuge). Cela facilite leur approche.
- Allègement du corps. C’est la première fois que je fais un stage où chacun fait son échauffement personnel, et c’est très efficace.
- Incompréhension de ce qu’est une sensation, une perception, comment répondre aux besoins ressentis. Impression de « faire pour faire ».
- Pas entrée dans l’exercice, n’a pas trouvé le vrai point de départ.
- Quel rapport avoir avec une douleur déjà présente ?
- Comment voir de quelles sensations internes la douleur est composée et répondre à leurs besoins ?
- Pourquoi faudrait-il mettre des mots sur les sensations, ne se suffisent-elles pas à elles-mêmes ? Et ensuite, pourquoi remettre en question ces mots ?
Ce type d’échauffement par les éveils façonne la DF telle que nous l’avons élaborée dans le groupe du Tilt. D’autres types d’échauffement amèneraient d’autres types de DF.
Choix du thème sensitif à l’issue de l’échauffement : « Faire et laisser faire ».
À mettre en friction ou en regard avec le thème réflexif de « La domination ».
Mise en forum : « La domination/Faire et laisser faire »
Musique vivante au piano et par les corps, et musiques enregistrées.
Observations et les questions qu’elles posent :
1er passage
- verticalité
- domination musicale
- interprétation
- à un moment, choses très marquées par les mains.
2e passage
- moins de domination de la musique.
- quelle partie du corps domine et qu’est-ce que ça produit ?
- ce n’est pas présent pour moi. Danser ce que ça ne serait pas.
- besoin d’aller dans l’effort physique. Je n’arrivais pas à arrêter, untel m’a aidée à laisser faire. Cela m’a libérée de l’oppression [intérieure] que j’ai ressentie.
- le thème apparaissait et disparaissait, il servait de lunettes pour savoir s’il y avait domination ou pas.
- partir de ce qui nous imprègne et dont on a parlé ensemble.
- jusqu’où est-on concerné par la consigne ?
- langage du corps, temps de déblocage.
- belle expérience de l’impuissance.
- stéréotypes en mots mais pas en corps.
3e passage
- n’arrive pas à entrer dans l’espace scénique, conditionné à rechercher la cohérence artistique. Pas prêt.
- quel est le pouvoir de langage articulé sur nos ressentis ?
- question de la condition : est-ce qu’on peut choisir notre place ?
- injonction, mais impulsion.
- j’étais dans le faire, puis le laisser faire. Quelle est leur place respective ?
Bilan de cette 1ere danse forum
- S’efforcer en DF de questionner les appréciations/opinions pour qu’elles ne restent pas figées et que chacun puisse en bénéficier.
- Un moment particulier s’est rapproché dangereusement de ce qui n’est pas permis en DF : le psychodrame – car nous ne sommes pas des psychothérapeutes. J’étais sur le point de tilter pour qu’on se pose et comprenne tous ce qui était en train de se passer. Mais je n’ai pas eu à le faire car la situation a été prise en charge très intelligemment par l’ensemble des Danseurs et Artistes forum : ils ont désenclavé la décharge émotionnelle de manière créative et non juste pour l’apaiser.
- Le Danseur forum est sur scène en représentation. La scène le protège et lui permet de tout explorer et exprimer, pourvu qu’il se souvienne qu’il est sur scène, et non pas dans la vraie vie.
Bilan de cette première journée : ressentis, questions et réponses
- Frustration, impatience et colère chez presque tous les stagiaires : impression de ne pas comprendre, de ne pas y arriver, et de ne pas voir la logique ni la pertinence de la transmission. Impression d’intellectualiser ce qui appartient au corps et ainsi de ne pas lui laisser sa spontanéité.
- Quelle est l’utilité de la bordure scénique ? Elle permet de franchir plus facilement le seuil de la scène, en s’exerçant à d’autres arts selon le talent de chacun, ou en lisant des poèmes à partir de livres mis à disposition.
- Certaines problématiques sont violentes en elles-mêmes, et on ne sait pas à qui on a affaire sur scène. Ne pourrait-on pas faire des exercices de préparation, comme en danse contact par exemple, pour apprendre à se connaître, avoir confiance et pouvoir danser ensemble ?
Nous verrons que spontanément, les Danseurs gardent leur réserve, et que c’est leur garde-fou. Pourquoi vouloir la gommer artificiellement ? Autant l’utiliser pour justement problématiser la vraie vie sur scène, au lieu que la DF devienne une « danse improvisée avec thème et entre danseurs ».
- Comment faire en sorte que les retours verbaux ne prennent pas trop de temps sur la danse ? Apprendre à dire en une phrase ce que chacun dit en dix…
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7/5/16, deuxième jour : « Apprentissage par expérimentation »
Au matin, accueil, présentation et motivations d’un nouveau venu. Deux stagiaires choisissent de ne pas revenir, le stage ne leur convenant pas.
Mise en place du programme de la journée :
- Faire une DF avec Andréine comme Tilteur, pour que chacun puisse s’imprégner du fonctionnement de la DF.
- Déterminer les taches du Tilteur, les distribuer entre les participants au stage.
- Faire une danse forum avec chacun dans son rôle, Andréine devenant danseuse forum.
2e danse forum, avec Andréine pour Tilteur
Éveil des sensations, en silence et chacun dans son « coin privilégié ».
Consigne : On adopte la position qu’on aime et on observe la sensation physique prédominante, qui mobilise le corps. Puis situer chaque sensation (interne ou externe, ponctuelle ou de base).
Enchaînement avec l’éveil des muscles, en silence et chacun dans son coin privilégié.
Enchaînement avec l’improvisation sensitive, en musique et avec déplacement possible dans la pièce en entier. Chacun sort de sa bulle à son rythme, pour étendre sa sensorialité à ce qui l’environne, par une découverte progressive de l’espace-temps extérieur à soi.
[L’ouverture des sens vers l’extérieur est un premier pas vers la danse, vers l’autre. Un dialogue peut commencer entre nos gestes et les lignes de l’espace qui structurent la pièce, les corps qui s’y trouvent, le rythme et la mélodie de la musique. Ceci prépare l’abord des espaces délimités pour la DF : scène, bordure scénique et extra scène.]
Choix du thème sensitif : Intra – extra
Mise en forum, autour de « La domination/Intra – extra » Musique vivante du piano et des corps, et musiques enregistrées.
Description de nos observations et les questions qu’elles posent :
1er passage
- Colère, tout afflue vers la scène, beaucoup [trop] de choses dans petit espace scénique, mais rythmées.
- Dynamique de groupe, domination du thème sur la domination, on commence à aller plus loin.
- Y a‑t-il une différence entre intra et extra ? Une oppression de l’extérieur sur l’intérieur ? De l’intérieur sur l’extérieur ?
- Quelle oppression peut générer le regard intérieur ? Et extérieur ?
- Quel est le pouvoir du musicien sur la « composition instantanée » (pendant l’improvisation) du Danseur/Artiste* ?
- La question du leadership : est-il toujours présent ? Nécessaire ?
- Est-ce qu’on peut proposer une idée sans l’imposer ?
- Est-ce qu’on peut s’ouvrir aux idées des autres ?
- Y a‑t-il un équilibre face à une domination ?
2e passage
- Cohésion.
- Envie de tendre l’espace.
- Interception et densité.
- Écho.
- Intra : on peut se situer à l’intérieur de quelque chose à plusieurs.
- Jeux de regard, rapprochement.
- S’échapper sans fuir.
- Domination sur soi : est-ce qu’on peut dépasser ça ?
- N’y a‑t-il pas de relation sans domination ?
- Mettre en corps la question de la relation.
- La domination comme envie d’explorer.
- Mettre en scène sa domination sur autrui et voir ce que ça fait lorsque l’autre s’en va. Gagner un demi-espace, et ne pas savoir quoi faire de cet espace gagné.
- Laisser dominer les mouvements de son propre corps rend plus facile le rapport à la domination par autrui.
- Question de la place des thèmes dans l’improvisation.
- Perception de l’influence sur l’action.
- Les thèmes circulent de l’un à l’autre des Artistes forum, et il y a le collectif aussi.
- Faut-il dominer ses émotions, ou les laisser nous submerger ?
- Quel contrôle, à quels endroits ?
- Faire ou laisser-faire, faire ou ne pas faire ?
- Musique ressentie comme omniprésente.
- « J’imprime » puis j’en rajoute, puis ils en rajoutent…
- Observation d’une densification collective.
- Entre le piano (hors bordure scénique pour des raisons de faisabilité) et la scène, énergies différentes.
- Difficulté une fois de faire entendre le tilt (clap) à partir de la bordure scénique.
Bilan de cette 2e DF
- Moins frustrée, mais aurait aimé que ça continue.
- Tout vu et tout entendu, mouvements vers l’extrême. Vers la fin, ça tournait trop bien : on pouvait s’amuser.
- Problème des frontières entre jeu d’acteur, jeu ludique et complaisance.
- Espace mou tout du long des improvisations, thème réflexif plus présent que le thème sensitif, envie que l’espace s’intensifie. Mais ça me rendait « présente ».
- A trouvé une connexion à l’autre sans domination.
- Le thème est là, mais où je suis, moi ?
- Le rapport aux thèmes, est-il volontaire ou involontaire ?
- Le rendu a été plus sensitif mais aussi réflexif.
- Prendre la domination quand elle est là : qu’est-ce qu’on peut faire avec ? Comment ?
Bilan des éveils et de la DF
- La relation entre les deux thèmes : elle transparaît sans qu’on le sache.
- Une consigne est faite pour être adaptée, voire contournée : prendre le temps nécessaire pour passer à la proposition suivante si besoin est pour soi.
- Juste des questions, ce serait bien ? Les réponses pourraient se faire dans la danse.
- Une réflexion sur les réponses apportées par la danse apporte beaucoup.
Après-midi du 2e jour
Liste et définition des diverses tâches du Tilteur, établie à partir des suggestions de chacun.
1 – prise de contact, choix du thème réflexif.
2 – présentation de la DF.
3 – échauffement et choix du thème sensitif.
4 – improvisation sensitive.
5 – pause.
6 – structure des espaces et définition des rôles qui leur sont liés.
7 – mise en forum : par la danse, par les autres arts et par la parole.
8 – bilan.
3e danse forum
Répartition des rôles pour accomplir ces taches.
[Tous les mots nouveaux sont marqués avec *, ils ont été créés à nous tous pendant ce stage, pour définir des rôles qui incombent au Tilteur. Voir : Lexique ]
1) Présentateur* de la DF.
2) Échauffeur* : donne les consignes, récolte les retours verbaux pendant l’éveil des sensations et des muscles. Amène l’improvisation sensitive en introduisant la musique.
3) Régleur* : met en place les espaces et définit les rôles correspondant à chacun des espaces : Danseur sur scène, Artiste* sur la bordure scénique, Regardeur* dans l’espace du regard, Tilteur dans un espace réservé au sein de l’espace du regard.
4) Forumeur*/Veilleur*/Regardeur* : clape les tilts pour solliciter le forum verbal et veille au temps, à l’espace et à la dynamique de la DF.
5) Problématisateur*/Médiateur*/Synthétiseur* : aide à la problématisation en reformulant au besoin les retours verbaux. Fait éventuellement la synthèse à chaque tour d’improvisation. Anime le bilan.
6) DJ* : passe les musiques enregistrées, décide de leur début et de leur fin.
7) Bienveilleur* : veille au bon déroulement de l’ensemble, à la sécurité des lieux et des personnes. Il tilte (clap) pour un « pas de côté » si besoin est. Cela permet de situer ce qui se passe (en cas de psychodrame, agressivité, jugement à l’emporte-pièce etc.) et d’apporter des solutions.
8) Script* : note les retours verbaux.
Mise en forum sans Andréine comme Tilteur : les 8 taches du Tilteur sont distribuées aux personnes les ayant choisies. Andréine devient Danseuse et Artiste*. Musique vivante et musiques enregistrées.
1 – et 2 – Accueil et présentation de la DF, thème réflexif déjà choisi.
3 – Présentation de l’échauffement, indication des consignes, puis pratique.
L’Échauffeuse* a choisi de diriger l’échauffement sans le faire elle-même pour ce premier essai, par prudence.
Thème sensitif retenu : La propagation (ondulatoire).
4 – Improvisation sensitive (sans accompagnement musical).
5 – Pause.
6 – Structure des espaces et nomination des rôles qui leur sont liés : la scène avec les Danseurs, la bordure scénique avec les Artistes*, l’extra-scène (ou espace du regard) avec les Regardeurs* et le Tilteur.
7 – Mise en forum de La domination/Propagation (ondulatoire), par la danse, les autres arts et la parole (lors des retours verbaux).
8 – Bilan de cette DF.
1er passage
Consigne (reformulée) : description de ce qui a été observé, et les questions qui se posent.
- ondulations.
- constructions géométriques, mécaniques des geste dans l’espace.
- un temps très long avec une seule personne sur scène, puis deux, puis trois.
- écho avec propagation quand un Danseur s’ajoute, puis un autre etc. selon les lignes tracées dans l’espace. Pas de diffusion tout azimut, mais plutôt l’ouverture des possibilités. C’est le temps donné à chaque situation sur scène qui a permis la propagation sur les lignes dominantes.
- propagation due au hasard. Les premiers moments ont donné la couleur.
- est-ce du hasard ?
- la dynamique est venue de l’impact des premières improvisations.
2e passage
- mon accordéon a pris complètement le pouvoir.
- pourtant, en tant que Danseur, je n’ai pas ressenti la domination de l’accordéon.
- besoin de définir ce qu’on met dans « la domination », lorsqu’elle est positive, ou négative.
- « lâcher » devant le pouvoir de la musique : ça fait du bien.
- le Danseur que j’étais ne se laissait pas influencer par la musique que je jouais à l’accordéon lorsque je suis rentré sur scène.
- question de l’auto-domination.
- tout le début de l’impro s’est faite sur les bords de scène.
- quelle est la prise de risque en allant sur scène ? Quelles sont les limites à cette prise de risque ? Est-ce que cela dépend de notre décision ?
- la timidité : ne pas y aller d’un coup, tâtonner à la découverte de l’espace.
- « l’effet papillon » : mots inscrits, qui dansent dans l’espace de danse.
- quelque chose de mesuré par petits bouts.
- question du regard : qu’est-ce qu’on donne à voir ?
- quand j’entre sur scène, c’est le début de quelque chose, de la responsabilité : ça aiguise l’attention.
- impulsion timide, puis oubliée. Continu et discontinu.
- histoire de lignes, de traces.
- espace dominé : cette deuxième improvisation a cassé les lignes.
- impression sur scène de remonter le temps qui s’est déroulé.
- tenir l’espace par la timidité ? La fuite ? La rapidité ?
8 – Bilan de cette 3e DF
- temps de problématisation plus ramassé.
- pas frustrée : a pu aller dans les sensations, dans le corps. C’est bien de voir le fil qui se déroule. L’espace de création, c’est une sorte de soupe faite de ces espaces de paroles, encore scabreux.
- c’est intime et collectif à la fois, très intéressant et plein d’enjeux. Globalité.
- la circulation entre réflexif et sensitif : ça prend forme.
- la musique est plus liée aux émotions qu’elle génère. On est dominé par nos émotions.
- moments de grâce.
- c’est frustrant d’être à l’extérieur comme DJ*, mais, de l’espace du regard, j’ai bien senti cette fois la liaison entre les deux thèmes, réflexif et sensitif.
- les temps de parole sont un peu trop longs par rapport à ce matin.
- c’est une grande chance de regarder et participer de différentes façons. C’est précieux.
- la répartition des tâches et rôles participe d’une volonté de bien expliquer et on y voit plus clair. Chacun a bien joué son rôle. Il s’agit de constructions multiples.
- cela permet à chacun de reformuler trouvailles et maladresses.
- se sent bien, fatiguée. Les échauffements sont intéressants à faire, se mettre à l’écoute mais une écoute discrète. C’est intéressant d’être moins nombreux sur scène, cela laisse plus de place aux autres pour entrer.
- le fourmillement appelle plus de fourmillement. La qualité de la danse est à rechercher.
- ça permet de plus déployer les thèmes, les temps de problématisation verbale sont plus intéressants.
- quel est le rôle de la personne quand elle regarde ? Quand elle danse ? Question de la mise en danger.
- équilibre entre observation et réception.
Indications par Andréine
- L’Échauffeur* (ou le Tilteur) ne « dirige » pas l’échauffement « pour » les autres. Il émet les consignes, mais pour savoir quand le groupe est prêt à les adopter et à passer d’une consigne à l’autre, le mieux est encore pour l’Échauffeur* d’observer ses propres sensations internes. Il est important qu’il fasse lui-même l’échauffement et l’improvisation sensitive, pour s’accorder à ce qui se passe et ne pas poser un regard extérieur : aussi bienveillant ou neutre qu’il puisse être, le regard extérieur reste intrusif dans une pratique basée sur l’écoute des sensations internes.
- L’Échauffeur* peut regarder, veiller à ce que tout se passe bien pour chacun, et même prendre des notes, tout cela en faisant les éveils.
- La synthèse est parfois souhaitable, parfois non, selon sa pertinence dans la dynamique d’ensemble.
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Le 8/5/16, 3e jour : « Réalisation »
Le matin du 3e jour
Accueil et présentation d’une nouvelle venue.
Mise en place du programme de la journée
- Éveil des sensations et des muscles mené par Andréine.
- Schémas graphiques de la dynamique des éveils.
- Définition et répartition des rôles de l’Échauffeur*.
- Échauffement mené à 5, sans Andréine.
- Mise en forum menée à 8 qui endossent le rôle de Tilteur à la place d’Andréine.
4e danse forum
L’éveil des sensations et des muscles mené par Andréine
L’éveil des sensations
- tension ; engourdissement ; vibrante ; tiraillement ; pincements ; chaud dans le pied D ; faible densité à G ; tension dos ; pression tempe G.
- besoin d’étirement du dos, relâchement du dos ; ouverture des mâchoires ; se tourner côté G ; crispation à D ; position du sphinx ; courbe avec le dos ; alignement bassin et bras d’un côté, torsion ; étirer la colonne en utilisant le poids de la tête.
L’éveil des muscles
1er tour : retours verbaux
- muscles tenus – relâchés : organisation des muscles profonds, mouvement interne guidé par le bassin.
- besoin de dynamiser tous les muscles par des mouvements lents de rotation, d’extension et de courbe.
- besoin de détendre et réveiller les muscles de la colonne vertébrale par des petites contractions D – G.
- relâchement du haut du dos.
- besoin de secouer le corps pour activer quelque chose.
- besoin de mouvement vibratoire.
- d’étirer les muscles des hanches.
- de mettre du poids sur les jambes pour activer les muscles.
- déplacement constant vertical et rotatif.
- omoplate active.
- besoin d’appuis
2e tour
- tension nuque, tiraillements qui faisaient du bien. Ils se sont dissipés, relâchés.
- contraction ciblée en un point de l’épaule D, puis épaule G, celle de l’épaule G est devenue plus claire et large.
- même sensation qu’au début.
- tiraillement le long de la colonne, le mouvement du bassin a soulagé la colonne. N’avait encore jamais apporté la bonne réponse à ce tiraillement.
- impression de tassement lombaire.
- l’omoplate se positionne.
- tension douloureuse du triceps G, ça s’est réchauffé, sensation plus claire.
- pression tempe, a cherché quel mouvement musculaire pouvait répondre au besoin de la tempe : étirement de la pression. Le déséquilibre G – D est plus faible, il appelle moins. Douleurs partout : le corps s’organise, ça voyage, le corps s’est versé sur la G contre le sol, puis sur la D, le contact se déplace, la sensation d’équilibre G – D est maintenant agréable.
- tension chaude au pied D, éveil global, ralentit trop vite.
- tension colonne se propage à un point du ventre à G, profond, difficile à atteindre. Etirement du haut du corps, besoin de globalité. Perdait un peu le lien, contact avec appui au sol, ça s’est déplacé, c’était agréable.
- haut du dos en tension, torsion comme une éponge qu’il faut serrer, secouer et tapoter. Larmes fraîches de détente profonde.
Indications d’Andréine par rapport à ces éveils
- D’où part l’éveil des sensations et comment écouter le corps ?
Il est usuel de partir de l’immobilité, se détendre, respirer amplement pour se mettre en lien avec le corps, ou se concentrer, tout cela décrit des exercices de relaxation, de préparation à la danse, yoga, gymnastique… Ces disciplines écoutent le corps dans le seul but de le guider vers un idéal présupposé.
Pour démarrer l’éveil des sensations, on contacte les sensations telles qu’elles sont, sans chercher à les modifier ni à les guider : on part d’où l’on est, comme on est. Nul besoin de solliciter la respiration, de faire circuler quoique ce soit : on respire comme on respire, ça circule comme ça circule. L’écoute du corps pendant les éveils revient à contacter la sensation sans essayer de la modifier, pour qu’elle puisse justement nous guider en nous indiquant quel mouvement faire.
- L’éveil des sensations pose la question de la mise en mouvement à partir de la perception des sensations internes du corps [de son terrain organique] et des besoins qu’elles expriment en termes de températures, consistances et mouvements. Lorsqu’on répond à leur besoin, les sensations internes vont spontanément vers un apaisement et une « normalisation du terrain », qui se traduit par un apaisement.
- L’éveil des muscles pose la question de la mise en mouvement à partir de la perception des besoins musculaires exprimés par les muscles eux-mêmes pour ajuster la posture. Le corps va spontanément vers sa « normalisation posturale », celle qui est optimale pour lui.
- La dynamique de ces deux éveils est opposée et complémentaire. Avec l’expérience, on peut commencer par celui des deux éveils qui est pertinent pour soi et s’en tenir là, ou enchaîner avec l’autre éveil. On peut aussi alterner les deux éveils autant de fois que nécessaire pendant une même session.
- Les repères positifs : la pratique des éveils échauffe les muscles, rafraîchit (sans refroidir) la tête et l’organisme, fait du bien et éveille l’intérêt : le ressenti est bénéfique et stimulant pour le pratiquant, en favorisant sa créativité.
- Les repères négatifs : lorsque le corps se refroidit, éprouve une nausée ou accélère les battements du cœur, on peut être sûr que l’on n’est pas dans l’écoute des besoins.
De même pour les douleurs persistantes ou ajoutées : elles sont le signe qu’on est « à côté » de l’éveil des sensations et des muscles, dans le forçage (volonté de bien faire, vouloir agir « pour le bien » du corps) et non dans l’écoute des besoins sensibles (perçus par les sens).
- La vérification : si ça fait du bien, on a répondu de manière adéquate. Sinon, on s’est trompé. On revient à une position physique et mentale neutre et on réessaie. Ce processus est inhérent à l’auto-apprentissage.
Conceptualisation graphique, seul ou en groupe, des éveils des sensations et des muscles.
Sur des grandes feuilles, certains ont tracé des dessins, d’autre des schéma abstraits, d’autres des listes de mots et phrases dans l’espace : toutes ces représentations étaient joyeuses et colorées, riches et pertinentes.
L’après-midi du 3e jour
Détermination des taches et rôles du l’Échauffeur*, selon les indications du groupe
1- présentation des éveils et de l’improvisation sensitive. [Leur fonction de préparation à la danse, aux arts et à la créativité.] Présentateur*.
2 – mener l’échauffement et veiller au temps qui passe. Meneur.
3 – écrire les retours. Script*.
4 – reformuler au besoin : Médiateur*.
5 – veiller à ce que tout se passe bien pour chacun et pour la pratique dans son ensemble : Bienveilleur*.
Échauffement mené à 5 (Andréine prenant le rôle de Danseuse).
- transformation d’un état à un autre.
- deux appuis.
- poids du dos.
- vibration, vers ondulation.
- tension, vers torsion.
- aimantée au sol, essai de sortir de cet état sans violence, pour voir ce qu’il advient.
- concentration très forte, émotion qui dissipe, transformation.
- pulsation et pression au niveau de la tête. Besoin de marcher, tirer le corps par la tête, étirer le corps dans l’espace.
- besoin de marcher en sautillant, un point dans le dos.
- happé par le sol, besoin d’étirer le côté G, transformation.
- pendant l’éveil des muscles, position fœtale puis extension inverse, appuis, hanches, liens entre haut et bas.
- le tout petit mouvement et la lenteur m’ont permis de relâcher, détente profonde, un peu « shootée ».
- debout, lâcher la tête en avant et remonter doucement. Puis petits mouvements de tête, marcher, sentir les appuis, sentir le lien entre haut et bas.
Choix du thème sensitif : L’attraction.
Mise en forum des thèmes : Domination/attraction, par la danse, les arts et le langage.
Avec répartition entre les participants de 5 taches du Tilteur. (Andréine reste Danseuse).
1 – Présentateur* de la DF.
2 – Régleur*.
3 – Forumeur, Veilleur*, Bienveilleur*, DJ*.
4 – Problématiseur*/Médiateur*/synthétiseur* et Script* pendant les retours verbaux.
5 – Bilan DF puis bilan stage menés par Andréine.
Un rouleau de feuille en papier est déployé à la verticale sur toute la hauteur de la pièce, en bordure d’avant-scène à cour. Pinceaux, encre et feutres sont mis à disposition. Musique vivante au piano et accordéon, et sur/par les corps.
1er passage
- Cadre « militaire », régulier, gestes tranchants, images diverses tantôt pensées, tantôt servant d’appuis.
- Devenir escargot, ramper tête rentrée pour expérimenter la non – vision. La privation d’un sens permet-elle la non – domination ?
- Ce qui est particulier en DF, avec une danse qui part des sensations, c’est que la sensation est prioritaire ; elle amène et développe l’imagination, plutôt que l’inverse. La sensation reste la référence source, une perception vers laquelle vient puiser l’imagination, même si l’imagination à son tour nourrit la sensation.
- Pomme amenée sur l’espace scénique, elle prenait son espace et a immobilisé un temps le corps porteur.
- Être dominé par le désir de possession de la pomme : aller de la fascination à la résignation.
- Jusqu’où le regard sur les autres peut-il être dominateur ?
- L’intention d’attendre croise l’imaginaire.
- Attraction puis dissipation : c’est un problème, même lorsque c’est agréable. Pertinence de l’attraction en fonction de la situation.
- Observation et interprétation. [Comment les discerner ?]
2e passage
- Croisement des arts : je suis embarquée je ne sais où, comme si ça venait s’articuler tout en créant.
- Bel exemple de polychronicité dans ce moment où plusieurs choses se passent par inadvertance ? Hasard ? Coïncidence ? Intuition ? Sérendipité ? L’imagination interprète spontanément pour donner du sens. C’est le propre d’une œuvre d’art de laisser un espace d’imagination et d’interprétation au spectateur qui ainsi est amené à recréer l’œuvre.
- La domination du sens sur l’action écrase et bloque l’Artiste.••
- Chaque activité devrait rester autonome, mais on n’est pas imperméable.
- Petites bulles qui éclatent avec l’action.
- Quand on dit qu’on s’égare, est-ce l’illustration de ce qui arrive fortuitement ?
- Qu’est-ce qu’une attraction, quel est son devenir ?
- Le poids de l’interprétation : la rumeur.
- Le poids de la domination.
- Sur la bordure scénique, le blabla (textes récités sans que toujours on n’entende les mots) permet aux Danseurs de ne pas illustrer ce qui est prononcé. Les poèmes risquent moins que la prose d’être illustrés par la danse.
3e passage
- Imaginaire de l’imaginaire de l’autre : on est ensemble sur différents imaginaires.
- Ce passage, et un peu le précédent, m’ont paru être du vrai théâtre improvisé, parfois abstrait, souvent imaginaire. Un théâtre qui donne une place importante au corps, à son expressivité (danse, peinture, musique) basée sur la sensation interne de l’instant par chaque acteur en relation avec les autres. Une « composition instantanée » qui tienne en compte les hasards, les coïncidences, le fortuit et l’involontaire, vécus sur scène comme matériaux de créativité. Ceci autour de thèmes décidemment placés dans l’inconscient collectif et qui réapparaissent au gré des résurgences possibles.
- Attractions abondantes, physiques. Moyen pour entrer sur scène.
- Mélange de plein de choses.
- Tout ça circule comme dans une grosse marmite.
- L’éveil des sensations est créateur, inducteur.
- Un pont se crée entre les éveils et la danse.
- Jouer de l’attraction et de ce qu’elle produit.
Bilan de cette 4ème DF
- Les éveils sont-ils là pour vouloir sortir d’un état ?
[Je dirai qu’ils sont là pour pouvoir partir d’où l’on est et comme on est. Ils laissent l’organisme libre de se développer et de s’harmoniser selon ses propres stratégies et son propre désir vital, pourvu qu’on se mette à sa disposition. Les éveils se placent dans le spontané, à l’interface du volontaire et de l’involontaire. La décision d’agir constitue sa part de volontaire. Mais le « comment agir » vient de l’involontaire.]
- Musique et éveils produisent une action en soi.
Bilan concernant les rôles attribués à chacun :
- Doser les allers et retours verbaux est difficile pour le Problématiseur* : comment équilibrer, ne pas parasiter…
- C’est intéressant de se faire emmener par différentes personnes sur différentes taches.
- En expliquant les règles, veiller à dire que l’on entre sur les espaces seulement quand on en sent la pertinence.
- Pour les éveils, penser à dire de partir d’où l’on est, et que la DF est faite pour tout le monde, chacun avec ses conditions d’âge ou de validité, avec le corps qu’il a.
C’était difficile de tilter sans avoir aussi à gérer la problématisation, c’est pas si facile de connecter les deux rôles quand ils sont tenus par des personnes différentes.
Quand les règles sont outrepassées (mélange des espaces…), c’est difficile pour le Tilteur d’évaluer s’il « laisse laisse-faire » ou pas.
- On apprend en tiltant. Mettre la pomme en jeu par exemple était un piège, mais ça allait avec le thème de la domination. On ne peut pas savoir à l’avance. Des fois on fait les choses à l’emporte pièce, et en fait c’est pertinent. On ne le sait qu’après.
Si tu as laissé faire en tant que Tilteur, c’est qu’il y avait [probablement] une pertinence quelque part. Quand ce n’est vraiment pas pertinent, on intervient. Mais c’est rare. Il n’y a qu’en cas de danger : là il faut vraiment agir [et de suite]. On arrête tout, on se penche sur le problème et on le résout. Quelque fois, ça rame, ça rame, tu laisses ramer, et là « le » truc génial se passe. Quelque fois, il faut arrêter. Il n’y a pas de recettes. Il y a des règles, mais pas de recettes.
- Sur le clap de fin, il y a un stress.
- Difficiculté d’être Tilteur en assumant toutes ses taches pendant une DF. En même temps, disséminer les rôles du Tilteur entre plusieurs personnes demande de la coordination rapide, difficile elle aussi.
Bilan global
- L’articulation des 2 thèmes, réflexif et sensitif qui cheminent ensemble, est très riche.
- C’est une nouvelle façon de réfléchir.
- Garder un même thème réflexif sur les trois jours était une bonne idée. On est loin d’en avoir fait le tour ! On a mis bien une heure à le trouver, mais ça en valait la peine.
- On peut très bien aussi choisir le thème réflexif en amont de la DF, selon le contexte dans lequel elle se déroule.
- Ça m’a fait voir la domination d’une toute autre façon. C’est un peu comme les deux faces d’une pièce. Je trouve ça très riche et passionnant : c’est une réflexion que je n’avais jamais eu avant, une façon de réfléchir tout à fait nouvelle pour moi, très enrichissante.
- Je trouve super l’articulation des deux thème : le thème sensitif revisite le thème réflexif, à chaque fois différemment. Ça crée un fil, le groupe chemine, les corps prennent les thèmes. « Domination et attraction », j’ai trouvé ça vraiment intéressant.
- La qualité de l’œuvre est imprégnée de tout cela, même si l’on n’en est pas toujours conscient.
- Par contre, il y a plein d’associations, et là il faut vraiment trouver le dosage entre réflexif et sensitif dans cette pratique. Sur les trois jours, on pratique et on parle : Whoa ! Les tensions ! Ça commençait à réfléchir beaucoup pour moi – je réfléchissais beaucoup – et du coup, être en contact avec les sensations et de manière « juste », et laisser faire, ça devenait un peu difficile.
- Vendredi, c’était pesant pour beaucoup ici. Mais dès l’après-midi, ce qu’on avait dit restait, et repassait en moi. Notre esprit est comme une scène avec des choses qui entrent et qui sortent, ça peut aller très vite et se cacher derrière les rideaux. Quand j’étais observateur, et même quand je dansais et ne pensais à rien, d’un coup un mot ou une idée venant d’un temps de discussion passait ou affleurait et montrait le bout de son nez – et je sentais que ça m’alimentait.
- Pour moi, la recherche s’est vraiment faite par la sensation. Pour tout ce qui est synthèse, je vois l’intérêt de partager des choses en commun verbalement, mais en notant bien que c’est au niveau de la sensation et du vécu qu’on fait l’essentiel du travail de recherche et même de discussion. J’ai l’impression que les temps de forum sont ceux qui m’ont le moins nourri. Les temps de recherche informelle pendant qu’on cherchait les thèmes étaient beaucoup plus présents pour moi.
- Nécessité de favoriser la description puis les questions pendant les retours verbaux, plutôt que les opinions, jugements et interprétations. [Mais lorsqu’une opinion est émise, la problématiser permet d’en apprendre quelque chose.]
- Pendant ce week-end, déception pour moi, et ce soir, les retours étaient un peu flous, allaient dans de nombreuses directions.
- Cela fait partie du forum. Le forum est fait pour arriver à prendre conscience des choses importantes et intéressantes dans nos vies. On ne va pas censurer la parole… [Il est bon parfois de déborder du cadre des retours descriptifs et relier peu à peu ce qu’on a observé à des problématiques culturelles ou autres qui ne faisaient pas forcément partie de la problématique de départ (la polychronicité, la sérendipité, le « théâtre de l’instant », la place de l’imaginaire…)].
- Comment raccrocher cela à la problématique du thème ? C’est intéressant de se dire : qu’est-ce qu’on veut sortir de ce temps de forum ?
- [C’est indispensable.] Mais de temps en temps on déborde de ce temps de forum, et le forum est là aussi pour déborder dans nos vies…
Bilan des trois jours
- Quand je disais hier que dans la présentation de la DF il manquait un petit truc – pour moi, du coup aujourd’hui j’apprécie tout ce qui s’est passé, j’ai eu du plaisir à le faire. Mais il me reste en arrière plan cette question du sens : cet outil-là, il est au service de quoi ? Comme j’avais le « théâtre de l’opprimé » dans la tête, avec son côté militant – classe populaire et l’idée de comment on utilise ça dans sa vie pour changer les choses dans sa vie par rapport à l’oppression par exemple – je me demande où se situe la DF : c’est pour qui, pour quoi ? Quelle est la logique de cet outil que je trouve chouette ? Est-ce que ça va au delà de ça ? Je pense que oui…
- Les choses restent de l’ordre de la micro – politique. Ça va mettre en lumière des dynamiques propres à des situations (comme pour cette DF, entre domination et attraction). Ça ne se rapporte pas à une situation particulière comme par exemple le problème du logement en TF, mais ça va être sous-jacent à beaucoup de situations humaines et micro – politiques, en de çà de la politique du social. Voir Vercauteren.
- Il s’agit, avec la DF, d’auto-apprentissage coopératif. Ce n’est pas un outil que l’on acquiert clé en main, mais que l’on découvre en le pratiquant à plusieurs avec un regard critique et discernant.
II – Lexique utilisé pendant le stage
* signifie que le mot est nouveau et pas encore validé en DF.
Artiste* forum : celui qui exerce un art autre que la danse, à partir de la bordure scénique.
Bienveilleur* : il veille sur le bon déroulement de la DF, sur la sécurité des personnes et des lieux.
Bordure scénique : lieu où se placent les Artistes forum qui problématisent les thèmes en interaction ou en regard avec les Danseurs.
Composition instantanée : quand l’improvisation est vécue et perçue comme une composition en temps réel.
Clap : clappement de mains utilisé pendant la DF par le Tilteur pour signaler le début et la fin d’un retour verbal, ou par l’Artiste pour suspendre la danse, le temps de sa prestation. Faire tilt en clappant, c’est capter un instant privilégié et propice à la réflexion et aux trouvailles, un espace qui ouvre une brèche dans le fil de l’improvisation.
Extra scène : lieu hors scène, espace du regard. Cet espace abrite celui du Tilteur.
Danseur forum : celui qui danse sur la scène d’une DF.
Échauffeur* : celui qui mène l’échauffement.
Forum : Moment de problématisation d’un thème.
Forumeur* : celui qui mène le forum.
DJ* : celui qui fait entendre les musiques enregistrées.
Improvisation sensitive : en DF, improvisation basée sur les sensations. (TLF : Sensitif : qui se rapporte aux sens, qui concerne la sensation, la sensibilité.). [On l’a souvent appelée aussi « improvisation sensible », mais cela induit implicitement qu’il y aurait des improvisations non sensibles… Alors qu’il y a des improvisations qui ne revendiquent pas de partir des sensations.]
Médiateur*/Synthétiseur* : celui qui aide à la formulation lors des retours verbaux, ou à la forumisation* pendant le forum.
Meneur : un des rôles de l’Échauffeur* pendant l’échauffement. Il veille à la dynamique des éveils et au temps qui passe. Pendant une période en DF, nous avions adopté ce terme avant de trouver celui de Tilteur.
Mise en forum : mettre en forum les thèmes par la danse (sur scène) et les arts (sur la bordure scénique), ainsi que par les retours verbaux.
Présentateur* : celui qui présente la DF et/ou l’échauffement.
Problématisateur* : celui qui aide à la problématisation.
Problématiser : questionner un mot, une opinion ou un thème pour en révéler la complexité et apprendre d’elle.
Regardeur* : celui qui se trouve dans l’espace du regard, l’extra-scène.
Régleur* : celui qui énonce les règles de la DF.
Retours verbaux : ils sont sollicités pendant l’échauffement ou le forum de la DF.
Scène : lieu où se placent les Danseurs forum.
Script* : celui qui prend des notes et transcrit les retours verbaux.
Tilteur : celui qui facilite la DF.
III – L’après
- Se former à la DF
Le processus est celui d’auto-apprentissage expérimental et de recherche coopérative.
- auto-apprentissage, c’est à dire que personne ne montre ce qu’il faut faire ou ne pas faire, mais chacun apprend de tous.
- expérimental : expérimentation à partir de mises en situation que l’on choisit.
- de recherche, car nous ne partageons pas des réponses mais des questions.
- coopérative puisque nous faisons plus que participer : nous élaborons peu à peu ensemble le fond comme la forme de l’atelier.
- Les stages
Notre formule de trois jours pour transmettre la DF était trop courte. Pour que chacun se sente parfaitement à l’aise, il aurait fallu je pense deux jours d’imprégnation à juste faire des danses forum, et trois jours de transmission réflexive.
Autre solution qui aurait pu être envisagée : deux jours de DF ensemble, puis pratique entre vous à partir de cette expérience et des documents à disposition. Plus tard, je serais revenue pour une transmission, en répondant à vos questions nées de votre pratique. C’est d’ailleurs ce que je vous propose à présent, si un jour vous en sentez le besoin.
- Les CR
En DF, nous nous efforçons de faire figurer les CR sur le net pour les personnes s’intéressant à la DF. De cette manière, pratiquants et symphatisants peuvent être tenus au courant des avancées et y participer. Nadine Gardères, Johanna Bouchardeau et moi-même, ainsi que Leonardo Centi et Bernard Bel pour la relecture, sommes en train de finaliser la charte.
Sur tout ce qui est écrit ici, vous êtes invités à partager vos points de vue avec nous.
Bibliographie
Bel, Andréine (2014). Le Corps accordé, pour une approche raisonnée de la santé et du soin de soi. Ed. Le Tilt. https://lecorpsaccorde.com
Desprès, Aurore (2000). Travail des sensations dans la pratique de la danse contemporaine. Logique du geste esthétique. Thèse de Doctorat, Université de Lille : ANRT
Damasio, Antonio (2005). Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions. Paris : Odile Jacob.
Gardères, Nadine (2013) : La danse forum à l’épreuve d’un contexte institutionnel.
Mémoire pour l’obtention du DU Techniques du corps et monde du soin, sous la direction d’Isabelle Ginot à l’Université Paris VIII.
Publication en ligne : http://www.danse.univ-paris8.fr/diplome.php?di_id=4
Rizzolatti Giacomo ; Sinigaglia Corrado (2011). Les neurones miroirs. Paris : Odile Jacob.
Vercauteren, David ; Müller, Thierry ; Crabbé, Olivier (2011). Micropolitiques des groupes, pour une écologie des pratiques collectives. Paris : Les Prairies Ordinaires (première publication HB éditions 2007).
Article créé le 16/02/2020 – modifié le 10/06/2020