Ateliers Forcalquier

Trouver sa place (2/2)


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!!Trou­ver sa place – 29/1/12


Ate­lier danse forum de For­cal­quier, 29 jan­vier 2012
«Trou­ver sa place » (c’est la deuxième fois que ce thème a été choi­si en danse forum)

Plu­sieurs reve­nantes, après des mois, même des années d’absence, chouette ! Nous étions 10, avec la petite Tha­lia qui a désor­mais 11 mois et qui en était à sa troi­sième danse forum ! Elle était notre maître dès le début.

Nous n’avions pas de thème réflexif. Au début : un point de ten­sion à la nuque, des grosses fatigues après la nuit du same­di soir en fête, des pul­sa­tions fortes en pla­quant le corps au sol, des four­mille­ments aux mains et aux pieds, en pas­sant par un point de cha­leur au cœur et un autre de pin­ce­ments à l’épaule, jusqu’à la sen­sa­tion de tran­quilli­té et de poids qui se dépose sur la terre et les chan­ton­ne­ments tel un petit oiseau nom­mé Tha­lia. Assez rapi­de­ment a émer­gé le thème : « trou­ver sa place.«

 Cer­taines fai­saient un lien entre trou­ver sa place en pas­sant par le bas­sin – ancrage, cen­trage – d’autres par le poids, – se dépo­ser là où on sent que c’est bon pour nous. D’autres ont fait remar­quer que « trou­ver sa place » était déjà beau­coup deman­der, et auraient pré­fé­ré le thème « cher­cher sa place ». Nous avons donc opté pour le frot­te­ment entre « cher­cher » et « trou­ver ». Com­ment je cherche « ma » place, com­ment je m’y prends, qu’est-ce qui m’appelle pour que je m’y mette ? Qu’est-ce qui m’indique que je l’ai trou­vé ? Com­ment j’habite cette place, qu’est-ce qui me fait res­ter, par­tir, chan­ger ? C’est quoi « ma place », « sa place » ? Vaste chan­tier !

En deux longues impro­vi­sa­tions les fils se sont dérou­lés et entre­mê­lés. Au début, un peu chacun/e dans sa bulle, par­fois à deux, puis, on ne sait pas par quel mou­ve­ment, quel souffle, mot ou chant est par­ti l’impulse pour res­ser­rer les liens entre plu­sieurs dan­seurs, telle une cho­ré­gra­phie. Sur une musique cha­ma­nique mexi­caine, sou­dai­ne­ment, une voix s’élève, tan­tôt un chant, tan­tôt des mots dépo­sés sur les corps en mou­ve­ment, du rou­cou­le­ment, grin­ce­ment, voca­lises, cris, vent … poé­sie vola­tile se fau­fi­lant entre les corps.

On s’en sai­sit, se laisse por­ter, les empor­ter dans sa danse, des sou­ve­nirs émergent, – on a déjà connu ça quelque part, une amie, un mor­ceau de vécu. Une mère lionne joue avec son petit, les dan­seurs vire­voltent autour .… puis le souffle de la flûte – j’arrête la musique -, les mélo­dies et les sons nous sub­mergent, nous enve­loppent, nous emportent ou alors, … nous clouent au sol… Com­ment trou­ver sa place dans une telle plé­ni­tude, une telle épais­seur ? … On est au coeur du thème ! Presque tout le monde s’y était mis, y com­pris une nou­velle dan­seuse, timide au début, mais voi­là, cer­tains étaient frei­nés par ce tour­billon. Où trou­ver une faille, un espace pour entrer dedans ? Un silence ? Un trou ?

Qu’est-ce qui fait que j’ai l’impression du « trop », alors que pour d’autres ce n’est pas assez ou juste bon ? Le retour ver­bal nous a aidé à nous ajus­ter, par­fois on doit pas­ser par la parole pour arri­ver à com­prendre ce qui se passe pour chacun/e.
Il nous a ren­du plus atten­tifs. Plus sen­sibles.

La deuxième impro est par­tie sur le chant du contre-ténor Andreas Scholl, où l’espace scé­nique est res­té pra­ti­que­ment vide, puis a accueilli deux dan­seuses sur un chant grec. Grande inten­si­té, grande émo­tion. Est-ce que ce vide préa­lable aurait aug­men­té l’intensité d’après ? Un poème de Paul Eluard. Un mot est souf­flé dans l’espace : Sau­vage… sau­vage… en tout cas c’est tout ce que j’ai enten­du à plu­sieurs reprises et cela m’a ins­pi­ré les per­cus­sions du Trio Ché­mi­ra­ni. Un rythme était don­né, tout s’accélère, un ani­mal sau­vage dans une cage, allers-retours, enfer­me­ment, et tout s’emballe, on court, on marche, deux se tiennent par le regard…puis un silence abrupt et tout s’arrête. (Je n’ai pas tout cap­té ni en mémoire, tel­le­ment c’était rapide et riche.)

Une impres­sion que « ma place » est sou­vent à l’opposé : si tout le monde est au sol, je me lève­rai, la musique est rapide et mes mou­ve­ment vont se ralen­tir au fur et à mesure, et quand tout est lent, sou­dai­ne­ment j’ai envie de bon­dir et m’abandonner à un rythme effré­né, puis, par­fois un corps, un mou­ve­ment, un regard, m’invite à par­ta­ger du che­min, du rythme, des pas, dépo­ser mon poids sur quelqu’un, ou accueillir son poids sur moi … quel plai­sir d’aller avec, d’aller ensemble ! J’y suis, à ma place, dans les dif­fé­rents cas de figure, et elle est en mou­ve­ment constant cette place, en recherche, ré-appro­ba­tion, rééva­lua­tion constante, sans pour autant y pen­ser ! Dès que je l’ai « gagnée », ma place, je peux la perdre, veux la perdre, pour en cher­cher une nou­velle, et la céder aus­si­tôt et ain­si de suite. Elle est très pré­caire par moments, très fra­gile. S’enraciner, se fixer, s’attacher ? Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? On aime aus­si par moments mais où est la limite sup­por­table, sou­hai­table ? Puis à d’autres moments, je la perds car­ré­ment, la place, quand je lâche mon lien aux sen­sa­tions et ça me pro­pulse direc­te­ment en dehors de l’espace scé­nique. Ca veut dire que ma place est mon lien aux sen­sa­tions ? Ouuuh là, ça devient com­pli­qué ! Ou très simple. Là on tient une clef en tout cas.

Com­ment je fais quand je suis tou­chée par l’intensité entre deux dan­seurs et j’aimerais en faire par­tie ? Grande ques­tion ! Ma place est où, là ? Com­ment je m’y prends ? J’y vais fran­co avec toute ma volon­té ? Ou alors, j’essaie de cap­ter les vibra­tions, les rythmes, les flux et j’adopte et m’approche dou­ce­ment ? Ou alors j’y vais à la sur­prise, à l’opposé de ce qui se déroule, ou je me tiens à dis­tance, atten­tive, toutes antennes dehors, prête à accueillir l’imprévisible …? Com­ment ne pas s’abandonner soi-même tout en se met­tant au dia­pa­son avec une per­sonne, un groupe ? Mille manières de prendre sa place, puis d’encaisser des « suc­cès » ou des « échecs », pour rebon­dir ensuite, encore et encore…
Quel rôle joue le regard là-dedans ? M’aide-t-il a trou­ver ma place ? Regard péri­phé­rique, regard les yeux dans les yeux… Pas évident pour moi, per­ti­nent pour d’autres.

Puis quel repos aus­si, d’occuper juste un espace vide ! Sans rien vou­loir, lais­ser les tur­bu­lences me tour­ner autour, juste exis­ter là, main­te­nant. Puis tout d’un coup, quelque chose arrive, quelqu’un me sol­li­cite. Je prends, ou je laisse ? Déci­der par rap­port à quoi ?

Sacré thème que celui-là. Ca donne envie de l’explorer plus lon­gue­ment, à plu­sieurs reprises. En tout cas, je pro­pose de le gar­der pour le pro­chain ate­lier aus­si : le 26 février, 14h30 ! Au plai­sir de vous y (re)voir !!!

Ami­tiés,

Johan­na Bouchardeau

Article créé le 16/02/2020

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