Danse recherche
→ L’écriture de la danse recherche
!! Le regard – juin 2007
’’’Nadine’’’
Lorsque je m’essayais au théâtre il y a un peu moins de 10 ans, j’avais cette impression très nette,
très profonde, que si j’étais « fausse » sur scène c’est que j’étais « fausse » dans la vie.
Les deux étaient indissociables, et les deux étaient soumis au même regard sans
concessions… Comme je jouais vraiment mal (je ne comprenais pas du
tout où était le « jeu » là-dedans : sitôt entrée sur scène, je n’avais
qu’une hâte : en sortir !), vous imaginez la piètre opinion que j’ai
tissé de moi-même à travers ma courte expérience théâtrale…
C’est le même sentiment que j’ai retrouvé quelques années plus tard au
cours d’un stage de butô.
Je ne sais pas bien comment font ceux qui arrivent à faire des choses
à partir de là, de cette scène qui met à nu au lieu de révéler.
L’espace scénique de la danse forum me réconcilie avec le regard.
— — — -
’’’Andréine’’’
Le rôle du regard porté sur soi dans la danse (et dans la vie) est
probablement au centre de ce que la danse (la vie) a à nous apporter.
Voici ce que j’écrivais à un ami il y a quelques mois, qui me disait
son incapacité à danser devant qui que ce soit :
« Avoir peur de mettre son corps en mouvement devant autrui, c’est
avoir peur de son regard. Le regard, c’est comme les mots, il peut
être destructeur, autant que constructeur. La peur nous renseigne
sur les dangers réels pour soi.
On peut commencer par en tenir compte, de la peur. A la laisser
nous sculpter, nous mouvoir, pour mieux l’accueillir. Avez-vous vu
du butô d’origine ?
Puis je pense qu’il faut éduquer le regard du spectateur, pour qu’il
soit inconditionnellement accueillant, et que le corps en mouvement
puisse se donner à voir. Le corps en mouvement s’expose mille fois
plus que le corps immobile, qui déjà s’expose tellement !
Et l’on éduque le regard du spectateur en éduquant son propre
regard. C’est la projection de ce que l’on veut paraître qui met
tout parterre. Si l’on peut se relier à ce que l’on est, tel que
l’on sent et ressent, le regard se recadre avec le bonhomme, si je
puis dire… Je ne sais si c’est une alternative. »
Aujourd’hui, à voir comment éclot la danse mise en forum, c’est à
dire au fond « en regard » dans cet espace scénique protégé de la danse
forum, je réalise la place de l’involontaire et de l’inconscient dans
le processus de réconciliation avec soi-même et avec « sa » danse/vie.
Lorsque l’involontaire et l’inconscient ont voix, le volontaire et le
conscient sont comme « apaisés », car ils n’ont pas à prétendre, mais à
soutendre.
Soutendre, c’est accompagner sans s’imposer, tendre à sa juste force
la trame sur laquelle va pouvoir se tisser l’œuvre – au lieu de
« vouloir » créer.
L’œuvre se relie à sa source.
L’œuvre ainsi créée n’est pas la démonstration consciente et
volontaire de nos capacités et talents revendiqués et ainsi démontrés
- image lisse et commerciale de soi. L’œuvre devient l’expression de
nos âges à travers notre présent, de notre humanité à travers nos
faiblesses et grandeurs, de notre créativité à travers nos divers
essais, tâtonnements, échecs successifs qui seuls peuvent donner une
chance au sublime d’apparaître lors d’un clignement d’œil.
Article créé le 16/02/2020