Danse recherche
→ L’écriture de la danse recherche
!! Scénarios autour d’une improvisation – juin 2006
’’Ce texte a été écrit à la suite d’une présentation publique d’un travail de Léonardo Centi et Toshiko Oiwa avec Andréine Bel.’’
’’’1 -’’’ Nous avons commencé en ne faisant que ce que le corps décidait de faire, en mouvements involontaires et semi-involontaires. Bouleversement, enthousiasme.
Beauté sublime de l’instant en parfait accord avec le ressenti.
Le corps est coordonné, tout est en mouvement, chaque cellule.
Est-ce à montrer ? C’est un spectacle intimiste : j’observe et laisse faire.
’’Toshiko’’ : Je téléphone à ma conscience. L’involontaire fait écho à l’inconscient.
’’Léonardo’’ : Pour une fois, le cerveau n’est plus dans « je dois ».
’’Toshiko’’ : La force de gravité est confortable. On expérimente une relaxation comme de l’eau qui coule, calme. Les espaces intérieurs (énormes) et extérieurs (petits) s’échangent.
’’Léonardo’’ : quand je laisse faire, le corps est auto-contrôlé, tout est coordonné.
La pureté, accepter la dualité, accueillir ce qui n’est pas agréable.
’’Andréine’’ : la sensation est fruit du présent qui s’inscrit dans notre histoire.
’’’2 – ’’’Doutes : est-ce de la danse ? Est-ce à montrer ? Comment ?
’’’3 -’’’ Néant : l’ancien n’est plus possible sans trahir les sensations immédiates. Le nouveau n’est pas montrable. L’involontaire a ses lois, qui ne supporte pas la manipulation.
’’’4 -’’’ Sursaut : le fil conducteur. La sensation fait sens, même si elle n’a pas de sens prédéterminé. Le sens apparaît au fur et à mesure de l’improvisation. Il est individuel : chacun va trouver son sens au déroulement de la danse, spectateur et danseur. Le sens amène plus de conscience, plus de mouvements formés consciemment, spontanément. [Le mouvement sort juste de l’œuf. Il a encore la sensation de l’unité et de la totalité qui était la sienne dans le secret de l’œuf. Il a déjà le dessin de la forme vierge.]
La distance au sens permet au spectateur de recréer l’oeuvre.
’’’5 -’’’ Retombée : l’habitude et la prévisibilité de la sensation font retomber la créativité. Apprivoisement nécessaire ? Etape incontournable ?
’’’6 -’’’ L’incertitude : ne plus savoir quoi faire, ni comment faire, si on va être capable de créer.
’’’7-’’’ Accomplissement : tension fécondante, fulgurance de l’instant, voyage de l’être et du devenir, le fil de la vie se déroule le long d’un prétexte : tel son, telle maladresse, une perruque, le contact des peaux.
’’’8 -’’’ Les retours du public :
* C’est l’essence de la danse que j’ai vu.
* J’ai compris une histoire de couple et de vie, même si vous vous êtes laissés guider par vos seules sensations. On aurait dit que votre danse était structurée, avec un début, un développement et une fin.
* Si la musique influence votre danse, comment garder la sensation pure ? [la sensation pure n’existe pas. Dès qu’elle vient à la conscience, elle est re-sentie, c’est à dire interprétée. Elle est tributaire de l’histoire de la personne, passée, présente et à venir, et elle est influencée par l’environnement immédiat. C’est ce qui en fait sa richesse.]
* C’est trop intimiste, cela me gêne à regarder. [retour nécessaire vers le narcissisme pour donner à montrer, éducation nécessaire du regard habitué au factice, qu’il confond avec la représentation]
* J’ai cherché à comprendre : pourquoi cette perruque ? [capacité du danseur à sortir de la scène et à y entrer à volonté, pour différencier l’espace. Eléments de théâtralisation qui permettent de revenir un moment dans le temps mondain, différenciations du temps]
* D’habitude, j’ai envie de danser en regardant danser. Ici, je me suis trouvée privilégiée de pouvoir regarder, j’assistais à quelque chose d’important qui se passait.
[ Ce point est très important pour moi : on pourrait croire que la spectatrice dit qu’elle devient passive en regardant. Non, elle devient témoin, n’est plus dans l’imitation, mais dans le processus créatif. En théâtre forum, le spectateur n’a pas envie de jouer comme l’acteur, il a envie de jouer comme lui-même le ferait. En cela, il est bien plus actif que le spectateur classique.]
* Les éléments théâtraux peuvent s’incorporer avec facilité et bonheur dans l’improvisation dansée, pourvus qu’ils soient introduits spontanément.
* Cette danse fait du bien à regarder.
* ’’Toshiko, Léo, Andréine’’ :
(:linebreaks:)
->Sortir des chemins existants.
Concordances et synchronicité. Polychronicité.
Pas de compétition entre danseurs.
Economie de moyens dans la scénographie, dans la pratique de la danse.
Un « je ne sais quoi » à l’oeuvre.
Mieux que si planifié.
Pas une minute d’ennui, à danser ou à regarder : rien à jeter dans une telle impro.
Les sensations guident à chaque instant, même si les yeux sont clos.
Les lumières improvisées au dernier moment, et imprévisibles (soleil, mouvement des branches), font partie de la danse.
Rythme vivant tout au long de l’impro, avec tensions et relâchement, intensités et casualités, et les entre-deux où tout devient possible.
Représentation possible en atelier ouvert, ou en danse forum, moins en spectacle classique : le spectateur est partie intégrante du processus d’improvisation basé sur les sensations, puisque celles-ci sont influencées par le public.
La pratique du spontané développe la capacité à s’y relier et à l’exprimer. L’œuvre en est d’autant plus aboutie.
Article créé le 16/02/2020